Jusqu’à présent, Klaus Florian Vogt chantait Wagner. Naïveté ou optimisme, on a d’abord voulu croire à l’erreur d’aiguillage : non, décidément, le répertoire wagnérien ne saurait convenir à une voix aussi légère. Pour convaincre en Lohengrin, là-même, où Kaufmann avait, d’emblée, marqué l’histoire du chant, il fallait vraiment d’autres arguments qu’un physique avenant. Pour rendre compte dans ces colonnes de son premier récital, déjà chez Sony, notre confrère Jean-Philippe Thiellay parlait de grenouille et de boeuf… Mais enfin, voulait-on se persuader, ailleurs, dans un cadre musical plus propice, car moins contraignant et moins étouffant, la voix, sans doute, trouverait à s’épanouir.
Sur le papier, les conditions semblaient réunies pour un examen de rattrapage réussi, avec ce nouveau récital au titre aguicheur et au programme aimablement abordable: un solide fond de sauce d’opérette viennoise, assaisonné d’une pincée de musicals et d’un zeste de West Side Story: côté programme, on fait dans le consensuel non contrariant.
Las !
Le constat est sans appel : le changement de répertoire ne gomme en rien les limites de cette voix maigrelette, il aurait même tendance à les exacerber. Une émission incontrôlée, une tendance exagérée à blanchir le timbre, à ouvrir systématiquement les voyelles au lieu de les couvrir, des détimbrages à la limite du grotesque (« Bring him home », titre que l’on est plus d’une fois tenté de retourner au producteur de ce disque), des aigus droits, tirés, un grave inexistant (voir, sur ces deux derniers points, « Maria », résumé assez fidèle de cette voix improbable)… On assiste, attristé, à la conjugaison redoutable d’un manque intrinsèque de substance vocale, d’un défaut de technique et d’une défaillance stylistique. Les meilleurs producteurs du circuit, les ingénieurs du son les plus talentueux ne sauraient masquer cette impitoyable réalité.
On sait à quel point d’authentiques ténors comme Fritz Wunderlich, Nicolaï Gedda, Rudolf Schock (sans remonter jusqu’à Richard Tauber) mais aussi, plus près de nous, Piotr Beczala, peuvent rendre justice à ce répertoire prétendument léger, jusqu’à le magnifier. Mais Dieu que la comparaison est cruelle !
On veut bien créditer le chanteur d’une forme de sincérité, d’un engagement sympathique (quoi que bien uniforme dans l’expression, cela dit), guidé par l’accompagnement sirupeux comme il faut de l’orchestre de la Radio de Munich : cela ne suffira pas à nous faire prendre des vessies pour des lanternes et ne nous dissuadera pas de ranger ce récital dans la catégorie, déjà bien fournie, des disques de pacotille.