Pour son premier roman, Yann Ollivier a opté pour le genre du policier. Comme c’est souvent le cas dans un premier opus, l’auteur choisit de dépeindre un monde qu’il connaît sur le bout des doigts : celui de la musique classique. Et quoi de mieux pour bousculer ce monde « feutré » que de le confronter à celui « violent » de la police ?
En attendant Boulez raconte comment le projet « Chopart », développé par Entertainment Inc., va révolutionner le monde de la création et de la production musicale. Sans compter, évidemment, sur un tueur sanguinaire qui va, au fil de ses meurtres, empêcher la grande major de la culture et du divertissement de lancer avec succès le nouvel âge de la composition : celui de l’intelligence artificielle.
En s’inspirant de son expérience de directeur à Universal Music Classics France, Yann Ollivier aborde avec subtilité les questions philosophiques, mais aussi déontologiques, qu’un tel logiciel soulève. En effet, qu’est-ce que l’art sinon l’émanation de l’imagination humaine ? Si le génie humain n’est pas présent, si la singularité de l’esprit de l’homme ne concourt pas à son invention, peut-on dès lors qualifier une œuvre d’originale et qui plus est de création ? S’il n’y répond pas directement, l’auteur enfile tour à tour le costume de l’avocat en rappelant les implications légales d’écrire à la manière de (dans une véritable leçon sur le droit d’auteur), mais aussi celui du musicologue en déléguant à un de ses personnages la délicate tâche d’expliquer l’essence du style en musique.
Semblant s’amuser de l’indignation des puristes quant aux conséquences d’un tel projet, Yann Ollivier dépeint d’une plume acerbe le monde de la musique classique. Tous les acteurs sont remis à leur place : du critique hautain et constamment mécontent aux agents qui tueraient père et mère pour représenter le nouveau Lang-Lang, en passant par des musiciens égocentrés et fantaisistes ou encore des musicologues convaincus de leur omniscience.
Rempli de références culturelles et musicales, ce premier roman constitue également un bel hommage à la capitale et aux nouvelles scènes musicales de la région parisienne à l’instar de la Philharmonie ou bien la Seine Musicale. Ces nouvelles institutions côtoient des plus anciennes comme l’Opéra Garnier, ou bien la maison de la Radio, plongeant le lecteur au cœur de l’histoire de la musique, passée, présente et future.
Si le contexte du roman et son environnement sont dépeints avec brio, l’enquête policière en tant que telle aurait gagné à être plus poussée. Le lecteur peut par exemple regretter que l’« héroïne », le lieutenant de police Jade Valois, soit plus occupée à découvrir le monde la musique et accaparée par ses états d’âme, qu’à véritablement œuvrer à la manifestation de la vérité.
Pour résumé, si vous mourrez d’envie de (re)découvrir l’envers du décor de la musique classique par le biais original du roman policier, En attendant Boulez est fait pour vous !