Dans la série l’Avant-Scène Opéra, après Dialogues des Carmélites en juillet dernier, c’est au tour du Vaisseau Fantôme d’être remis au goût du jour. Une actualisation qui accompagne opportunément l’ouverture de saison de l’Opéra de Paris où le « premier drame wagnérien », selon la formule d’Edouard Sans, sera représenté du 9 septembre au 9 octobre.
Pas de différences fondamentales entre cette troisième mouture et la précédente (l’édition originale de 1980 avait déjà été révisée en 19911) mais des nuances tout de même : la couverture d’abord, avec ce choix contestable d’une vue d’ensemble de la production mythique de Harry Kupfer à Bayreuth en 1978 quand la photo de Simon Estes et Lisbeth Balslev, dans la même production, nous paraissait autrement éloquente ; les « points de repère » de Christian Merlin et le « profil vocal des personnages » par Jean-Jacques Groleau à la place de la « présentation » d’Alain Duaut et « des voix pour un fantôme » de François Lafon ; des nouvelles illustrations en couleur et, bien évidemment, la discographie dépoussiérée par Pierre Flinois. Sept intégrales ont été publiées depuis 1991, sans compter la bonne trentaine de versions qui, technologies numériques aidant, circulent sous le manteau. Rien de nouveau sous le soleil pourtant, l’essentiel semble avoir été dit entre 1930 et 1960, « les trente dernières années ne nous ayant apporté avec leurs plus-values incontestables que des versions moins parfaitement unitaires […] ou quelques voix indispensables de plus, comme celle de Nina Stemme », écrit Pierre Flinois avant de conclure son analyse par un « reste l’avenir » consolateur. Côté vidéographie, on constate avec surprise qu’aucun DVD n’a été édité depuis 1991. La version de Harry Kupfer, filmée en 1985 à Bayreuth, conserve le maillot jaune. L’étude de Pierre Flinnois n’a pas eu besoin d’être révisée, exception faite de la conclusion qui s’étonne justement de cette absence de captations visuelles
Faute de découvertes ou d’enregistrements récents notables, ce nouveau numéro nous offre alors l’occasion de rappeler l’intérêt des publications de l’Avant-Scéne Opéra. Ceux notamment qui n’ont pas lu les éditions précédentes du Vaisseau Fantôme, se laisseront accompagner dans leur écoute par Alain Poirier qui, d’une écriture lisible par tous – néophytes comme initiés – décrypte scène après scène, ce que l’on considère aujourd’hui comme le premier chef d’œuvre wagnérien. Avec Le Vaisseau Fantôme, le compositeur allemand délaisse l’exemple de Meyerbeer pour expérimenter une nouvelle manière. « Dès lors s’ouvre ma carrière de poète » estimait Richard Wagner qui se considérait auparavant comme simple « fabricant de livrets d’opéras ». Un changement de cap progressif cependant. Les influences demeurent visibles. Ainsi, la filiation entre Le Vaisseau fantôme et le Freischütz est évidente, ne serait-ce que par la dimension fantastique des deux opéras. On peut aussi corréler les marins de l’un et les chasseurs de l’autre. Et, comme de celle de Max, la vocalité d’Erik navigue entre deux eaux, lyrique et héroïque. Autre ascendance marquée : le bel canto dont on sent palpiter le cadavre encore chaud dans bon nombre de passages. Mais, à côté de ces influences, se dresse déjà une volonté d’art total. Déjà gronde l’orchestre, déjà émerge une nouvelle voix en la personne du Hollandais, l’Heldenbaryton, déjà se décompose la structure en numéros, déjà se dessinent les grands drames lyriques à venir. Métamorphose passionnante mais complexe sur laquelle cette somme d’articles apporte un éclairage bienvenu.
Régulièrement, chez les libraires, fleurissent encyclopédies, dictionnaires amoureux et autres ouvrages au titre prometteur qui tentent l’impossible : expliquer Wagner en un seul volume. Mieux vaut selon nous procéder par étape. Cette publication de l’Avant-Scène Opéra en est une.
Christophe Rizoud
1 Il semble, en lisant Pierre Flinnois, qu’une mise à jour ait également été réalisée en 2000, ce qui signifierait qu’il ne s’agirait pas de la troisième mouture mais de la quatrième, information que nous n’avons pas pu vérifier.