Ces musiques de la première partie du Seicento sont des bijoux. Sertis de silence, ils détaillent avec humilité de multiples facettes. Anne Sofie von Otter avoue dans la notice de ce disque être passée, avec les ans, des grands mouvements haendéliens à cette rhétorique pré-baroque où tout est dans l’accent et la couleur. Certes, sa voix ne lui permet plus guère de rendre justice aux vocalises escarpées d’Ariodante, mais ce qu’elle propose ici d’inflexions, le modelé même de ses phrases, les couleurs du timbre fait merveille dans le répertoire monodique de cette période. Particulièrement saisissant, le lamento de la reine de Suède (amusante coïncidence) de Luigi Rossi et la cantate de Provenzale avec ses reliefs expressifs si particuliers. On regrette un peu que les artistes n’aient pas davantage exploré les œuvres de Rossi, Provenzale, Cavalli voire d’autres contemporains (les Mazzocchi, par exemple), car les extraits de Monteverdi surprennent moins. La présence de Sandrine Piau n’est certes pas un moindre atout : elle illumine ces pages, apportant une grâce dans la déclamation que n’a pas tout à fait la mezzo suédoise. C’est cependant dans le duo de La Calisto que s’épanouit le mieux l’alliage des deux timbres et des deux éloquences.
Osera-t-on dire que si ce « rêve baroque » nous plonge en effet dans les délices précieux d’un autre temps, c’est largement grâce à Leonardo Garcia Alarcon ? Il respire cette musique, et imprime des rubati subtilissimes qui font naître naturellement les accents les plus justes. Et puis, il apporte aux timbres de sa Cappella Mediterranea des variations qui feraient presque à elles seules le ravissement de ce disque. Tantôt sombres et profonds, tantôt lumineux, tantôt effacés, viole, théorbe, et consorts, sont autant de discrets commentateurs donnant à la fois influx et hauteur. Garcia Alarcon sait prendre son temps, injecter des silences brefs, des amuïssements contrôlés, qui installent autour des voix un nimbe de silence et de paix. Ecoutez la délicatesse infinie du duo « Dolcissimi baci » avec ce soulignement mélodique tout en douceur. Ou mieux : la Sinfonia d’Elena de Cavalli, d’une fraîcheur et d’une pénétration rares.
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Sogno Barocco | Compositeurs Divers par Anne Sofie von Otter