A quand remonte la tradition ? A l’invention du microsillon ? Aux « Christmas Carols » enregistrés en 1951 par Mario Lanza ? Bien avant. Déjà en 1916, Enrico Caruso gravait sur cire « Minuit Chrétiens ». Depuis, rares sont les Noëls sans une compilation confiée à une grande voix qui, entre la dinde et la bûche, chante la sainte nuit. Cette année, c’est au tour de Diana Damrau de s’y coller, en deux CD pour mieux distinguer « le bonheur » et « la fête », le profane – « Fröhliche Weihnacht », « Morgen, Kinder, wird’s was geben »… – et le sacré – Bach, Haendel, Mozart…
Richard Whilds partage avec Riccardo Minasi la direction de la NDR Radiophilharmonie. Au premier, le répertoire populaire. Au second, la musique religieuse. Au pied du sapin, se serrent les invités – clavecinistes, organistes, trompettiste – Matthias Höfs –, chœur d’adultes et chœur d’enfants – Knabenchor Hannover.
« J’ai repris sur cet album tous mes souvenirs d’enfance et mes chants préférés, qu’ils soient gais ou paisibles », explique la soprano que l’on imagine frileusement enveloppée dans une étole de mohair au coin de la cheminée – ce que confirme le clip promotionnel de ce double album. Foin de clichés ! A la madeleine proustienne, Diana Damrau préfère le Lebkuchen, un pain d’épice traditionnel allemand vendu dans les marchés durant les fêtes. Peu connues de ce côté du Rhin, les comptines au programme ont le mérite de renouveler le menu musical du Réveillon. « Petit papa Noël », « Il est né le divin enfant » et autres scies de circonstance sont expédiés sous forme de pot-pourri, parce que c’est l’usage. Moins familiers, les autres titres possédent cette candeur que l’on croyait réservée au pays de Candy. Seul résiste, indéboulonnable, « Stille Nacht » ensirupé de glucose par Richard Whilds qui signe les arrangements orchestraux de ce premier volet.
Une odeur bienvenue d’encens chasse les effluves de vin chaud lorsqu’ensuite, voix et trompette rivalisent de souffle dans l’Ode for the Birthday of Queen Anne, composé par Haendel pour célébrer la naissance de la souveraine, et non du Rédempteur. Cherchez l’erreur. Les Laudate Pueri, Vesperae solennes de confessore, Vesperae de confessore scintillent à la lumière d’un timbre toujours d’argent et d’une musicalité hors pair. Si le temps est à la prière et au recueillement, le programme n’a que peu à voir avec la magie de Noël, exception faite de l’incontournable « Minuit, Chrétiens » chanté en plusieurs langues sur un arpège poisseux de harpe. Les Lebkuchen, c’est bon mais attention à l’indigestion.