« Je sais que je dois parfois faire attention à ne pas trop en faire » confesse Sophia Brommer. Agée de 33 ans, cette soprano allemande, née à Leonberg, a étudié le chant à Munich avant d’étrenner, de 2007 à 2013, au sein de la troupe de l’Opéra d’Augsburg, quelques grands rôles du répertoire : Gilda, Mimi, Donna Anna, Violetta, Susanna, Micaëla, Lulu… Et c’est vrai qu’elle a parfois tendance à en faire trop, Sophia Brommer. En témoigne à la fin de ce récital discographique – le deuxième chez Oehms Classics –, un « Glitter and be gay » outrancier. Candide est une œuvre hybride entre opéra et music-hall, Cunégonde une trainée. Soit. Faut-il pour autant traiter son air, pastiche belcantiste à l’écriture ô combien brillante, comme on boit au goulot une bouteille de brandy : gouailler les fins de phrase, écraser les sons, miauler des suraigus pas toujours très justes ? Puis, si l’on veut pinailler, que vient faire Bernstein dans un prétendu programme d’airs d’opéras italiens et français ? Si Sophia Brommer veut tenir la promesse affichée par le titre de son nouvel album, il lui faudra observer dans le registre comique la même sobriété que celle dont elle fait preuve pour interpréter des pages plus tragiques.
Il lui faudra aussi apprendre à prononcer correctement le français. Juliette, Manon et Micaëla seraient davantage recommandables si elles étaient intelligibles. Dommage car la dernière, surtout, possède un aplomb qui donne à la fiancée, souvent falote, de Don José son juste poids dramatique.
Sophia Brommer devra surtout adapter son répertoire à la nature d’une voix qui ne la prédispose pas forcément aux héroïnes italiennes. Portraiturées d’un chant acéré, avare de couleurs, pauvre en harmoniques, Gilda, Lucia, Elvira et même Violetta sont ici vierges frigides plus que jeunes filles en fleur – Nedda dépourvue de sensualité étant par définition un contresens. Des cérébrales et non des instinctives, ce qui n’enlève rien aux mérites de la soprano. La longueur de la voix lui permet d’envisager sans fléchir un large éventail de rôles, tant lyriques que coloratures. La technique lui vaut d’oser trilles, variations et extrapolations parfois audacieuses dans l’aigu. L’instinct théâtral est sûr si l’on juge à la lecture décidée de la lettre d’Alfredo avant « Addio, del passato ».
L’accompagnement de Dirk Kaftan n’est pas étranger à l’impression finalement bienveillante que l’on ressent à l’écoute de cet album, malgré les réserves émises précédemment. Tout au long de ces neuf plages, la complicité entre le chef d’orchestre et son interprète est évidente. Quoi de plus naturel quand on sait que Dirk Kaftan fut le directeur musical d’Augsburg avant d’être nommé en 2014 chef principal de l’Opéra de Graz. D’ailleurs, la promesse de l‘une est celle de l’autre. Dirk Kaftan, distingué plusieurs fois par le magazine Opernwelt, n’est guère plus connu que Sophia Brommer en dehors de l’Allemagne. Cet enregistrement a pour le moins le mérite de nous les présenter.