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Werther

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CD
12 décembre 2010
« Der » Werther

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Détails

Jules MASSENET (1842-1912)
Werther
Drame lyrique en quatre actes
Livret d’Edouard Blau, Paul Milliet et Georges Hartmann, d’après Goethe
Mise en scène, Benoît Jacquot
Décors et lumières, Charles Edwards et André Diot
Costumes, Christian Gasc
Werther, Jonas Kaufmann
Charlotte, Sophie Koch
Albert, Ludovic Tézier
Sophie, Anne-Charlotte Gillet
Le Bailli, Alain Vernhes
Schmidt, Andreas Jäggi
Johann, Christian Tréguier
Brühlmann, Alexandre Duhamel
Käthchen, Olivia Doray
Maîtrise des Hauts de Seine – Chœurs d’enfants de l’Opéra national de Paris
Orchestre de l’Opéra national de Paris
Direction musicale, Michel Plasson
Filmé à l’opéra Bastille, Paris, janvier 2010
Réalisation, Benoît Jacquot et Louise Narboni
2 DVD Decca
Novembre 2010

On le disait au début de l’année 2010 : ce Werther parisien resterait longtemps dans les mémoires comme un des plus beaux spectacles jamais accueillis à l’Opéra Bastille1. Une distribution exceptionnelle, les débuts de Michel Plasson dans la fosse de Bastille (à 77 ans !) et un metteur en scène venu du cinéma, tels étaient les ingrédients principaux réunis par Nicolas Joëlqui n’a pas hésité à acheter une production londonienne, pour que l’œuvre reste au répertoire, en lieu et place de la précédente, louée et donnée à peine un an plus tôt. Il est certes toujours surprenant et parfois choquant de voir la première scène nationale représenter à quelques mois d’écart les mêmes œuvres dans des productions nouvelles parfois onéreuses. Vu le résultat, pour ce Werther là, le choix était judicieux.

 

Donnée à guichets fermés, cette production avait bénéficié d’une captation live diffusée sur Arte, dirigée par le metteur en scène lui-même. Ce double DVD Decca en est la trace. Benoît Jacquot, qui avait donné au cinéma une Tosca originale, est extrêmement fidèle au livret. Ses deux héros principaux, Jonas Kaufmann et Sophie Koch, sont jeunes, ils sont beaux, dans leurs costumes élégants, et nul n’était besoin, il est vrai, d’aller chercher midi à quatorze heures pour faire vivre Werther, 23 ans et Charlotte, 20 ans et leur histoire d’amour impossible. Les décors sont d’une beauté froide, aussi bien pour les extérieurs, dans la cour du bailli ou sur la place du village, que pour l’intérieur bourgeois et glacial de la maison de Charlotte. Le naturel des artistes et leur spontanéité (ou le metteur en scène on ne sait) donnent quelques très beaux moments, par exemple avant le duo du 1er acte, lorsque Werther et Charlotte semblent jouer à se poursuivre, y compris sur l’avant scène, presque parmi les spectateurs, ou encore à la fin de l’acte II, lorsque Werther s’enfuit « comme un fou », en sautant d’un muret dans le vide.

La captation vidéo, originale, est une pleine réussite. Benoît Jacquot a placé ses caméras un peu partout, y compris derrière le décor. On est avec les artistes avant leur entrée en scène ; on accompagne Jonas Kaufmann dans les dernières secondes qui précèdent ses premières phrases « Alors, c’est bien ici la maison du bailli »… on le voit se concentrer, effectuer quelques mouvements avec sa tête et ses bras, exactement comme un slalomeur avant d’entrer en piste, le stage director à ses côtés, partition en main, prêt à donner le top départ. Ces images sont rares ; certains trouveront que, en faisant passer le spectateur de l’autre côté de cette convention qu’est le théâtre, elles rompent le charme. Pourtant, par l’énergie et la tension positive qu’elles véhiculent, elles sont surtout très fidèles à ce que l’on peut vivre sur scène et dans les coulisses. En cela, elles contribuent à placer le spectateur aux côtés des artistes et c’est extrêmement réussi. D’autres plans, élargis ceux-là, embrassent le chanteur, au bord de la fosse d’orchestre et même les premiers rangs du public ; ils illustrent à merveille la « performance » de l’artiste et donnent, là encore, le frisson. La qualité des éclairages est elle aussi bien rendue sur le DVD.

 

La distribution est tout simplement parfaite. Kaufmann arrive, malgré son timbre de bronze, très loin d’une certaine tradition française, à caractériser un héros juvénile et passionné. La souplesse de sa voix, sa faculté d’alléger bluffante, mais aussi la vaillance de l’aigu font de son Werther un sommet difficilement égalable aujourd’hui. Sophie Koch est elle-aussi une Charlotte extrêmement crédible, pleine de classe et de sagesse. Jusqu’à l’acte III, l’air des Lettres et même le duo final, elle fait preuve d’une sérénité en scène toute protestante, qui n’est pas de la froideur. C’est dans le feu de son timbre de velours que l’on devine la flamme de l’amoureuse. Anne-Catherine Gillet, habituée de la scène parisienne depuis 2009, est une Sophie très engagée, comme toujours, dans un rôle où il n’est pas facile d’être autre chose qu’une petite sœur nunuche. Ludovic Tézier donne à Albert une autorité et une classe rares, y compris vocalement. La comparaison avec le Werther qu’il avait donné sur la même scène un an auparavant est instructive, y compris au regard des critiques que l’on adresse parfois au plus grand baryton français depuis les lustres : hier Werther mûr et déchiré plus qu’enflammé, son Albert est aujourd’hui avant tout soucieux de préserver à tout prix ce foyer conjugal qu’il veut construire et que Werther, le ténor, menace. Nulle froideur, nulle placidité, mais une caractérisation réfléchie. Le bailli d’Alain Vernhes, comme le reste de la distribution, n’appelle que des éloges.

 

Dans la fosse, Michel Plasson faitsonner l’orchestre de manière magnifique, en ciselant le moindre détail, en fin connaisseur de ce répertoire. Le seul reproche que l’on peut lui adresser est d’avoir systématiquement retenu des tempi très lents, en particulier dans les tubes qui émaillent la partition du ténor, et qui finissent par solliciter à l’excès la voix de Kaufmann (« j’aurais sur ma poitrine… »).

 

Dans une dvd-graphie limitée, pas besoin de photo-finish, ce Werther vient s’inscrire au sommet : c’est LE Werther, « Der » Werther, si l’on préfère.

 

Jean-Philippe Thiellay

 

1 Voir la chronique de François Lesueur.

 

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Werther
Drame lyrique en quatre actes
Livret d’Edouard Blau, Paul Milliet et Georges Hartmann, d’après Goethe
Mise en scène, Benoît Jacquot
Décors et lumières, Charles Edwards et André Diot
Costumes, Christian Gasc
Werther, Jonas Kaufmann
Charlotte, Sophie Koch
Albert, Ludovic Tézier
Sophie, Anne-Charlotte Gillet
Le Bailli, Alain Vernhes
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