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Der fliegende Holländer

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DVD
7 octobre 2014
Un Hollandais dans le vent

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Opéra romantique en 3 actes

Livret du compositeur

Création à Munich (Hoftheater), le 4 décembre 1864

Détails

Mise en scène

Jan Philipp Gloger

Décors

Christoph Hetzer

Costumes

Karin Jud

Lumières

Urs Schönebaum

Daland

Franz-Josef Selig

Senta

Ricarda Merbeth

Erik

Tomislav Muzek

Mary

Christa Mayer

Le Pilote de Daland

Benjamin Bruns

Le Hollandais

Samuel Youn

Orchestre et Chœurs du Festival de Bayreuth

Direction des Chœurs

Eberhard Friedrich

Direction musicale

Christian Thielemann

Bayreuth, 25 juillet 2013 (première représentation de cette production : 25 juillet 2012)

1 DVD, durée 1 h 20 (+ 25 mn de bonus), sous-titres en anglais, français, allemand et coréen

Brochure de 20 pages en anglais, allemand et français

Opus Arte 2014

OA 1140 D

Cette captation de la reprise en 2013 d’une mise en scène controversée du Vaisseau fantôme par Jan Philipp Gloger, créée à Bayreuth en 2012, confirme avant tout, s’il en était besoin, les qualités éminentes de la direction de Christian Thielemann, wagnérien sensible et rigoureux à la fois. Sous sa baguette, les climats les plus divers s’articulent de manière organique. La musique est superbement interprétée, l’orchestre nuancé, lyrique et passionné, la direction constamment attentive à la clarté de la musique et à l’irruption du fantastique dans la matière sonore. La plasticité de l’orchestre nous conduit avec aisance du surnaturel (le Hollandais et son vaisseau) à l’humain, trop humain (Daland, le Pilote, Eric et l’entourage de Senta), illustrant la façon dont on passe insensiblement de l’un à l’autre – problématique qui est au cœur de l’œuvre. La première grande qualité de cet enregistrement est donc son interprétation musicale, l’effet quasi hypnotique produit par l’enchaînement sans interruption des trois actes permettant en outre de mieux comprendre cette notion de « mélodie continue » que Wagner souhaitait ériger en programme.

Ainsi soutenus, tous les chanteurs s’illustrent par un engagement physique et vocal de premier ordre. On tombe d’emblée sous le charme du magnifique registre grave de Samuel Youn, de ses nuances qui autorisent une sobriété impressionnante, et de sa belle longueur de souffle. Le chanteur coréen est parfois desservi par sa prononciation de l’allemand, encore à améliorer, qui rend certains passages peu compréhensibles, mais ses autres qualités font oublier assez vite cet inconvénient mineur. Daland bénéficie de la maîtrise vocale, de la diction impeccable et de l’abattage de Franz Josef Selig, au charisme presque surdimensionné pour le personnage, et qui semble beaucoup s’amuser à jouer un père apparemment falot et borné, mais de fait habile et doué en affaires. La belle voix de Benjamin Bruns donne au Pilote de Daland tout le lyrisme voulu, avec un art consommé de l’intonation et de la projection. Tout aussi lyrique, et doté d’un timbre solaire pour dire la douleur d’Éric, Tomislav Mužek émeut et dément par son chant la personnalité étriquée qu’on prête souvent au fiancé éconduit. Ricarda Merbeth enfin est d’une vaillance à toute épreuve, animée d’une tension permanente, poussant vocalement l’interprétation dramatique jusqu’au paroxysme. Dans cette posture radicale, c’est comme si chaque syllabe de son chant était accentuée, au détriment parfois de certaines nuances dans la Ballade, mais au service de sa vision hallucinée et de l’agressivité qui sous-tend sa position revendicative.

Le ton adopté pour la mise en scène est donné dès l’ouverture, pendant laquelle un graphisme en noir et blanc annonce la vision tranchée qui prévaut. Des coulées noirâtres – peinture, sang, goudron, mazout ? – préfigurent les taches sombres du Hollandais et les mains souillées de peinture de Senta, puis la matière noire engluant les ailes qu’elle se confectionne avec les planches des caisses qu’elle doit conditionner dans son atelier. La vision critique de la société semble faire du Hollandais et de Senta deux marginaux refusant les lois du marché, le premier au terme de sa quête effrénée de profit, la seconde dans son usine de ventilateurs (lesquels remplacent les rouets dont parle le livret). Il importe à Jan Philipp Gloger d’ancrer les personnages dans un univers contemporain, au sein de milieux fortement contrastés : ainsi l’équipage du Hollandais apparaît-il comme une série de clones du Pilote, portant le même costume trois pièces, le même sac de boutique de luxe contenant un présent pour leurs fiancées. Senta, de son côté, est une ouvrière rebelle qui menace ses camarades de travail lorsqu’on veut l’empêcher de chanter, et qui utilise les éléments d’emballage pour fabriquer des objets bizarres et hideux, donnant forme à ses rêves. C’est dans l’atelier, juchés sur des caisses, que le Hollandais et Senta se rencontrent, tombent amoureux et se tuent, immortalisés dans cet acte par une photo que prend le Pilote, devenant ainsi à leur tour objet de consommation – à la place des ventilateurs – sous la forme de figurines enlacées luminescentes que les ouvrières vérifient et emballent. On peut s’interroger sur la place de la rédemption ou du sublime dans une telle représentation. On peut aussi y voir, à la lumière de Walter Benjamin, une réflexion sur la perte d’aura à l’époque de la reproductibilité technique de l’œuvre d’art.

Comme souvent dans ces captations vidéo, on regrette la durée excessive de certains gros plans, nous empêchant de voir l’intégralité du plateau. En contrepartie, on voit bien mieux les tatouages du Hollandais, sa vaine tentative de s’ouvrir les veines dont aucun sang ne jaillit, du moins jusqu’à sa rencontre avec Senta. Moderne yuppie en rupture de ban, vêtu d’un costume satiné coupé à la dernière mode, le Hollandais renvoie les femmes qui lui apportent des comprimés, du café ou des caresses. Le temps défile à grande vitesse sur des cadrans numériques, des écrans digitaux. La technologie avec ses phénomènes lumineux et virtuels remplace ici le Vaisseau qui reste plus que fantomatique.

Les yeux révulsés, un rictus hagard aux lèvres, Ricarda Merbeth joue à fond la carte de la marginalité et de la folie. La force de cette lecture est de rendre sa folie communicative : la peinture noire qui recouvre son œuvre et son corps se transmet à l’ensemble du décor sous forme de coulées. Tous les personnages semblent frappés de folie : le groupe des femmes, Daland, dont le regard s’éclaire de lueurs inquiétantes dès qu’il est question d’argent, Éric repoussant soudain Senta qu’il accuse d’être possédée par Satan, tandis que son propre rêve fait de lui un visionnaire à l’égal de Senta chantant sa ballade.

On sait que Wagner demandait que l’on ne sépare pas sa poésie de sa musique. Et pourtant, cette captation suscite un sentiment étrange de décalage entre l’une et l’autre, faisant clairement apparaître une double lecture de l’œuvre que confirment les interviews données en bonus. Alors que Jan Philipp Gloger déploie une vision pessimiste de la perte d’humanité que signifie la course au gain matériel et technique, le chef Christian Thielemann balaie d’un revers de main les remarques négatives du journaliste qui l’interroge : dans l’importance donnée aux chœurs – excellents –, il voit des éléments proches du chant populaire. Si Senta « a un grain », la fin ne peut être, selon lui, musicalement, qu’un « happy end », car « elle est en majeur » et ne saurait donc évoquer la mort. Pour le chef d’orchestre, Senta ne meurt pas puisqu’elle affirme vouloir être fidèle au Hollandais jusqu’à la mort. Tout en se refusant à émettre le moindre jugement négatif sur la mise en scène de Jan Philipp Gloger, Christian Thielemann donne sa propre vision des choses : « à la fin, Senta saute dans la mer, et peut-être le Hollandais saute-t-il lui aussi à l’eau pour la sauver, puis on les récupère sur un canot de sauvetage, après quoi ils boivent un grog bien chaud, et il lui dit : ‘Regarde, j’ai une belle cabine avec un lit immense’ ». Mais Christian Thielemann n’explique pas comment il peut diriger l’œuvre selon cette orientation alors que les choix de mise en scène sont diamétralement opposés. Il est vrai qu’à Bayreuth le chef d’orchestre voit très mal la scène…

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Création à Munich (Hoftheater), le 4 décembre 1864

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Mise en scène

Jan Philipp Gloger

Décors

Christoph Hetzer

Costumes

Karin Jud

Lumières

Urs Schönebaum

Daland

Franz-Josef Selig

Senta

Ricarda Merbeth

Erik

Tomislav Muzek

Mary

Christa Mayer

Le Pilote de Daland

Benjamin Bruns

Le Hollandais

Samuel Youn

Orchestre et Chœurs du Festival de Bayreuth

Direction des Chœurs

Eberhard Friedrich

Direction musicale

Christian Thielemann

Bayreuth, 25 juillet 2013 (première représentation de cette production : 25 juillet 2012)

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