Révélé en France en 2008 par la grâce d’un Don Carlo embastillé, Stefano Secco poursuit depuis une dizaine d’années une carrière sans grands éclats médiatiques quand sa voix de ténor et un répertoire XL auraient dû l’aider à franchir les portes de la renommée. Combien de ses congénères ont comme lui cette saison à leur programme Les Contes d’Hoffmann, Il trovatore, Carmen, Lucia di Lammermoor, Un ballo in maschera et La traviata ? Un premier album solo veut réparer ce que l’on pourrait considérer comme une injustice si une écoute attentive ne venait tempérer l’envie de jouer les redresseurs de tort.
Non que cet enregistrement soit indigne. On lui trouve au contraire, dans la largeur généreuse de son programme, une indéniable probité. Stefano Secco a forgé sa technique auprès de Franco Corelli, reçu les conseils de Leyla Gencer et de Renata Scotto, éprouvé son agilité dans le répertoire rossinien – le Stabat Mater et, plus difficile, Osiride dans Mosé in Egitto – avant d’aborder sur les scènes les plus prestigieuses les grands rôles italiens et français de ténor lyrique puis dramatique, sans outrepasser ses limites de manière à pouvoir continuer d’interpréter comme au premier jour – ou presque – les opéras de ses débuts.
Avoir ainsi su préserver l’intégrité de ses moyens mérite considération. La technique solide autorise une longueur confortable et, sur cette longueur, une égalité suffisante pour rendre insensibles les changements de registre. Diction aidant – en italien et en français aussi – c’est un chant direct, sain, naturel, dépourvu d’effort et d’à-coups qu’il nous est donné d’apprécier durant quatorze airs, parmi les plus connus qui soient.
Du grand art s’il n’était desservi par un timbre ordinaire – ni beau, ni laid –, que la langue française rend nasal, et si l’interprétation n’était gâchée par la pauvreté de la caractérisation. Privés d’appui scénique, accompagnés sagement par Constantine Orbelian à la tête du Kaunas City Symphony, Manrico, Nemorino et leurs amis font trois petits tours et puis s’en vont, tous pareillement exposés, tous éclairés de la même lumière franche sans s’embarrasser de nuances, tous embrassés avec la même sincérité impassible, tous indistincts.
Ainsi Stefano Secco donne-t-il l’impression de pouvoir chanter tous les rôles indifféremment, tel le joker au rami capable de remplacer n’importe quelle carte du jeu, quand pour avoir pu le constater en direct plusieurs fois, son investissement dramatique sur scène n’est jamais à mettre en cause. Son prochain Hoffmann en novembre à l’Opéra de Paris devrait être une nouvelle occasion de le vérifier.