Vingt-deux plages et autant de pièces d’origines diverses, de une à un peu plus de huit minutes : ce qui n’aurait pu être qu’une sorte de fourre-tout constitue ici une réussite exemplaire. La première écoute, même superficielle, séduit : les pièces – variées – s’enchaînent à souhait, dans des tons qui font lien, avec naturel, comme si elles appartenaient à un même ouvrage. Par-delà les éminentes qualités d’interprète d’Andreas Staier, on reconnait le talent, le goût et les compétences du maître d’œuvre comme du maître d’ouvrage de cette réalisation particulièrement aboutie.
Le matériau est emprunté à pas moins de huit cantates (la 158 est intégrale), au Schemelli Gesangbuch (quatre numéros), au Notenbüchlein pour Anna Magdalena, et à des œuvres instrumentales qui permettent d’illustrer le talent de chacun. On retrouve avec délectation tel choral, telle mélodie dans une atmosphère intime, liée tant à l’effectif chambriste qu’aux qualités individuelles. Les trois instruments – clavecin, violon et violoncelle – se substituent si besoin à l’orchestre auquel nous sommes habitué. La familiarité qui unit les interprètes est connue. Elle paraît d’autant plus évidente dans un programme qui a fait choix de l’intime, de l’affection, de l’harmonie pour mieux approcher le Cantor. Les airs semblent ainsi dépouillés de tout superflu, dans une transparence lumineuse. Cette musique rayonne dans une simplicité qui force l’admiration. Du « petit » prélude en ré mineur qui introduit cette visite chaleureuse à l’émotion pure de «Ich habe genug» (de la cantate écrite pour basse) – ici confié au beau soprano d’Anna Lucia Richter, puisque tiré du Notenbüchlein pour Anna Magdalena – c’est un constant régal. Georg Nigl, lui aussi familier de ce répertoire, intervient à égalité avec sa collègue, pour chanter seul, ou en duo à plusieurs reprises et participer aux ensembles. Alors que les recueils (Notenbüchlein, Lieder und Arien aus Schemellis Gesangbuch) semblent abandonnés aux amateurs par les interprètes, Andreas Staier et ses amis leur rendent une vie authentique, en soulignant ce qui les unit profondément aux grandes réalisations du Cantor. La variété des timbres, des inspirations renouvelle l’intérêt. Les prestations de Petra Müllemans au violon et de Roel Dieltiens au violoncelle, sur instruments d’époque, et avec le souci stylistique qui les anime, sont autant d’excellents moments.
Même si ce n’est pas son propos, sans doute la plus attachante introduction à l’œuvre de Bach, qui ravira tous ceux, fidèles comme curieux, qui auront la chance de l’écouter.
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