Le programme de ce nouveau disque de l’ensemble Clematis part à la recherche des sources allemandes des cantates profanes de Jean-Sebastien Bach, auprès de l’oncle Johann Christoph, organiste à Eisenach, et auprès de Georg Böhm, organiste à Lunebourg, où le jeune Jean-Sebastien adolescent fut choriste et élève. Cela nous vaut quelques découvertes dans cette très abondante littérature baroque allemande peu souvent enregistrée, mais toujours un peu conventionnelle, exploitant jusqu’à la corde un vocabulaire musical relativement réduit et une rhétorique efficace mais sommaire. C’est en écoutant cette musique qu’on comprend le mieux ce qui, chez Jean-Sébastien, est si prodigieusement exceptionnel.
Au fil des années, l’ensemble Clematis, fondé en 2001 par l’excellente violoniste belge Stéphanie de Failly, s’est affirmé dans l’interprétation du répertoire baroque, qu’il soit italien, français ou allemand, affichant une belle curiosité dans la recherche de partitions rares et intéressantes, et n’hésitant pas à retourner les bibliothèques pour les faire émerger. Choisissant avec discernement ses partenaires (et en particulier les chanteurs) puis son chef, l’ensemble s’est assez rapidement hissé parmi les meilleures phalanges de sa génération pour ce répertoire spécialisé.
Si la cantate de Böhm, par son texte inspiré du Cantique des cantiques, invite à une certaine réserve, celle de Johann Christoph Bach est clairement profane, célébrant les joies du mariage en une sorte de petit Singspiel relativement élaboré et donnant lieu, en son mouvement central, à une magnifique chacone pour soprano et violon solo. La cantate BWV 196 est une oeuvre de jeunesse, elle aussi destinée à une célébration nuptiale, mais dont, très vraisemblablement toute une partie est manquante : pas de récitatif, pas de seconde partie ni de choral final, on est loin du schéma traditionnel du maître.
L’interprétation de ces trois cantates, extrêmement honnête, fidèle et respectueuse pêche ici un peu par manque de fantaisie, de vigueur dans l’expression, de mise en relief du texte : c’est beau, propre et un peu sage; on aurait aimé plus de laisser aller, un petit grain de folie comme remède à l’austérité ! Même le fameux Quod Libet, dont le texte éminemment trivial n’invite pourtant pas au sérieux, est abordé avec respect et circonspection.
Hormis cette réserve, l’enregistrement est de très bonne tenue, et le livret qui l’accompagne, largement dû à la plume de Gilles Cantagrel, est fort bien documenté.