Attila est un œuvre généralement mal considérée par les critiques ou les musicologues. Un an plus tard, Verdi composera en effet Macbeth, ouvrage d’une toute autre envergure. Mais si l’on met de côté les références aux grands titres verdiens, force est de reconnaître qu’Attila est un opéra plutôt exaltant, pour peu qu’il soit bien interprété. Pour le rôle-titre, Ildebrando D’Arcangelo possède sans conteste les moyens de ce rôle particulièrement difficile, à la frontière entre le belcanto (que la basse italienne fréquente régulièrement) et l’opéra romantique plus tardif. La voix est homogène sur l’étendue de la tessiture, avec des graves profonds et des aigus superbes, mais manque parfois un peu de l’aplomb et de l’autorité attendue dans ce rôle. La virtuosité est très correcte dans les parties rapides, mais là encore il manque ce je-ne-sais-quoi de folie que l’on attend dans ce répertoire. Liudmyla Monastyrska démarre avec un vibrato un peu prononcé qui s’atténuera au fil de la représentation (il s’agit d’une représentation en concert). L’enregistrement au plus près du micro ne permet pas de goûter la puissance de cette voix imposante, telle qu’on l’apprécie en salle : dans ces conditions, les limites belcantistes du soprano ukrainien sont un peu trop visibles, avec une virtuosité aux forceps, un peu bousculée. Finalement, la chanteuse surprend là où on l’attendait moins, dans les parties les plus élégiaques d’Odabella, avec des piani sur le souffle de toute beauté. George Petean n’est pas exactement le baryton Verdi attendu en Ezio, avec une voix un peu faible dans le grave et un médium qui manque d’épaisseur. Mais l’aigu est impressionnant, la virtuosité impeccable et le style séduisant. Sa grande scène de l’acte II est un des sommets du concert, avec une cabalette doublée, ornée et couronnée d’un magnifique suraigu. Stefano La Colla rappelle Carlo Bergonzi dans les bons comme dans les mauvais jours : perfection du phrasé, legato impeccable, interprétation idiomatique, d’une part ; haut médium attaqué systématiquement par en dessous (avec un effet d’ascenseur un peu pénible à la longue), absence de suraigus ou de variations. Sur ce point, on s’interroge sur le parti choisi par Ivan Repušić. La première partie est privée d’ornementation dans les reprises de cabalettes et des suraigus traditionnels (ou pas…). On pense aussitôt aux mauvaises habitudes de Riccardo Muti qui, malgré son génie, n’avait pas compris le répertoire belcantiste. En seconde partie, ces contraintes semblent se lever, au moins partiellement, comme si les chanteurs en profitaient parce que le chef serait resté bloqué dans l’ascenseur. Au positif, la direction est vive, convaincante, mais l’orchestre reste un peu lourd (les flonflons ne sont parfois pas loin), quand celui de la Scala savait s’alléger dans cet ouvrage. Au global, l’enregistrement s’écoute et se rééecoute avec plaisir, mais un travail en studio avec un chef moins générique aurait probablement donné un résultat très supérieur.