Forum Opéra

Antiochus und Stratonica

arrow_back_iosarrow_forward_ios
Partager sur :
Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur pinterest
Partager sur whatsapp
Partager sur email
Partager sur print
CD
14 mai 2021
Graupner de premier choix

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Antiochus und Stratonica

(L’amore ammalato = Die kranckende Liebe, oder, Antiochus und Stratonica)

Opéra (musicalisches Schauspiel) en 3 actes

Musique de Christoph Graupner

Livret de Barthold Feind

Création à Hambourg en 1708

Détails

Antiochus
Christian Immler

Stratonica
Hanna Blažíková

Seleucus
Harry van der Kamp

Mirtenia
Sunhae Im

Ellenia
Sherezade Panthaki

Demetrius
Aaron Sheehan

Hesychius/Eristratus, Oberpriest
Jesse Blumberg

Negrodorus
Jan Kobow

Flavia
Karlina Hogrefe

Medor
Kim Kavanagh

Capella Ansgarii
Boston Early Music Festival Orchestra
Direction musicale
Paul O’Dette et Stephen Stubbs

Maître de concert
Robert Mealy

3CD CPO 555 369-2

Durée 224’30 »

On ne cesse de s’émerveiller devant le formidable vivier de talents et de créativité que furent les théâtres du nord de l’Allemagne au premier tiers du XVIIIe siècle, en particulier Hambourg qui, dans la première décennie, cultiva les talents de Mattheson, Haendel, Keiser, Heinichen, Telemann et bien sûr Graupner.

Graupner fait l’objet d’une réévaluation depuis une vingtaine d’années. C’est à 23 ans seulement qu’il est engagé comme instrumentiste au fameux Théâtre du marché aux oies de Hambourg en 1706, où il compose rapidement cinq opéras – deux nous sont parvenus – avant de devenir maître de chapelle de la cour de Hesse. Un concert de 2010 nous avait révélé les beautés de Dido (1707), malgré de vastes coupures, c’est pourquoi la parution d’Antiochus und Stratonica (1708) est une excellente nouvelle.

Le singulier répertoire germanique de cette période est du plus haut intérêt, et si les créations de Keiser et Telemann ont été mises en valeur, les premières splendeurs du théâtre hambourgeois restent largement à enregistrer. Le Boston Early Music Festival Orchestra avait déjà apporté sa pierre à l’édifice en gravant l’Ariadne de Conradi (1691) en 2005, et plus récemment Almira de Haendel (1705). Les maîtres d’œuvres Paul O’Dette et Stephen Stubbs portent Antiochus und Stratonica depuis longtemps : conséquence de la crise des subprimes, la production prévue à Boston en 2009 a malheureusement capoté. Les projets de report n’ont finalement pas abouti, et c’est au disque que l’opéra nous arrive finalement.

Il y a de quoi s’en féliciter, car l’œuvre est à la hauteur des promesses de Dido. Graupner s’y montre une fois encore admirable de variété et d’invention dans les formes multiples, les couleurs orchestrales (« Vicino al morir » réclame quatre hautbois), les rythmes et le dessin des mélodies. Ce savant contrepoint nourrit une expression des affects élégante et fouillée, confirmant le talent de Graupner à peindre la tendresse et la mélancolie. L’éventail de son savoir-faire est bien mis en valeur par un opéra qui, dans la tradition hambourgeoise, cultive les goûts réunis. Il prend racine dans le mélodrame vénitien du siècle précédent, comme en témoignent les divers procédés comiques confiés à Negrodorus, une scène de folie, le mélange du léger et du tragique, et l’italien de certains numéros. On y trouve aussi des traits communs à l’opéra français du moment, avec l’absence des castrats, des divertissements choraux et dansés, des changements à vue, une scène d’oracle…

Il faut bien cela pour renouveler l’intérêt, car d’une anecdote dont Méhul tirait un acte unique en 1792 (Stratonice, en CD chez Erato), le poète Barthold Feind tire trois actes. Nous sommes à la cour du roi Seleucius, époux de la jeune Stratonica. Hélas, Antiochus, fils du souverain, soupire secrètement pour sa belle-mère – laquelle partage son trouble – au point d’en dépérir. Le médecin Eristratus, sentant le pouls du mourant s’emballer face à Stratonica, trouve la solution, et Seleucius cède son épouse à son fils. Traitée avec élégance, cette l’intrigue réserve la plus jolie palette d’émotions.
Le triangle formé par Ellenia, son époux Demetrius et la princesse syrienne Mirtenia vient étoffer l’ensemble. Mirtenia, portée sur la magie, ensorcèle Demetrius dès le début de l’œuvre. Ellenia lui dispute son mari jusqu’à ce que ces agaceries prennent une tournure plus dramatique à l’acte III, quand l’épouse répudiée convoque leurs enfants – mais un peu tard pour donner de l’épaisseur à ces personnages. II faut néanmoins reconnaître à Feind l’art d’alterner et de dynamiser deux intrigues presque dénuées de rebondissements. De fait, ces trois longs actes ne traînent pas : souvent brefs, les récitatifs, airs et ensembles filent à vive allure, ce qui donne un poids particulier aux numéros plus développés. Quant aux divertissements, ils sont parfaitement intégrés. Et parfois, des moments d’une beauté saisissante, comme l’air « Erhole dich mein Sohn », ou « Mein Gemüthe irrt im Liebeslabyrinth » qui évoque Bach.

Le scénographe Gilbert Blin, qui devait monter le spectacle, est venu conseiller les artistes, et cela s’entend. En Antiochus, Christian Immler se distingue superbement. Son baryton suave et étendu soutient brillamment la scène de délire du II et le délicat belcantisme d’airs qui sont les plus touchants. Hana Blažíková semble d’abord sur la réserve, puis s’anime en même temps que Stratonica. Son émission droite et son timbre lumineux ont quelque chose de Maria Cristina Kiehr, et on lui pardonne aisément certains aigus indurés. Le vétéran Harry van der Kamp n’a perdu ni moelleux, ni étendu, avec de belles nuances. Jan Kobow, spécialiste de ce répertoire, a fort à faire dans le bouffon Negrodorus, et le fait avec autant de maîtrise que de vivacité. Le caractère ne manque pas non plus à Sunhae Im, dans son rôle d’intrigante où la Kayserin, flamboyante diva de Hambourg, fit ses débuts : la partie est valorisante, l’interprétation probe. Plus en retrait, Ellenia permet d’apprécier le timbre fruité de la soprano indienne Sherezade Panthaki. Joli ténor, Aaron Sheehan peine à donner beaucoup d’intérêt au falot Demetrius, et Jesse Blumberg joue efficacement les utilités. Saluons enfin l’excellente réalisation orchestrale, toujours bien dosée, vive et colorée, et une Capella Ansgarii dont les interventions sont un plaisir.

Qu’on se le dise : le répertoire baroque hambourgeois est une splendeur. Et le jury de Leipzig avait quelques raisons de voir en Graupner son premier choix en 1723, avant de se rabattre sur un certain Bach… non sans dépit. 

 

Commentaires

VOUS AIMEZ NOUS LIRE… SOUTENEZ-NOUS

Vous pouvez nous aider à garder un contenu de qualité et à nous développer. Partagez notre site et n’hésitez pas à faire un don.
Quel que soit le montant que vous donnez, nous vous remercions énormément et nous considérons cela comme un réel encouragement à poursuivre notre démarche.
antstr

Note ForumOpera.com

3

Note des lecteurs

()

Votre note

/5 ( avis)

Aucun vote actuellement

Infos sur l’œuvre

Antiochus und Stratonica

(L’amore ammalato = Die kranckende Liebe, oder, Antiochus und Stratonica)

Opéra (musicalisches Schauspiel) en 3 actes

Musique de Christoph Graupner

Livret de Barthold Feind

Création à Hambourg en 1708

Détails

Antiochus
Christian Immler

Stratonica
Hanna Blažíková

Seleucus
Harry van der Kamp

Mirtenia
Sunhae Im

Ellenia
Sherezade Panthaki

Demetrius
Aaron Sheehan

Hesychius/Eristratus, Oberpriest
Jesse Blumberg

Negrodorus
Jan Kobow

Flavia
Karlina Hogrefe

Medor
Kim Kavanagh

Capella Ansgarii
Boston Early Music Festival Orchestra
Direction musicale
Paul O’Dette et Stephen Stubbs

Maître de concert
Robert Mealy

3CD CPO 555 369-2

Durée 224’30 »

Nos derniers podcasts

Nos derniers swags

This be her Verse, par Golda Schultz et Jonathan Ware

La parole aux femmes
CDSWAG

Le Bourgeois Gentilhomme

Un gentilhomme en fête
CDSWAG

Debussy La Damoiselle élue

Lignes claires
CDSWAG

Les dernières interviews

Stanislas de Barbeyrac : « Il y aura peut-être un jour Tristan, si je suis sage »

Interview

Questionnaire de Proust – Sophie Koch : « Christian Thielemann compte beaucoup pour moi »

Interview

Sophie Koch : « Aborder Isolde, c’est être devant l’Everest »

Interview

Les derniers dossiers

Questionnaire de Proust

Dossier

Les grands entretiens de Charles Sigel

Dossier

Philippe Boesmans (1936 – 2022)

Dossier

Zapping

Vous pourriez être intéressé par :

Compositrices : une anthologie en 10 cd par le Palazzetto Bru Zane

Les connues, les moins connues, les inconnues…
Cyrille DUBOIS, Aude EXTRÉMO, Yann BEURON
CD

Mozart in Milan, Sacred music around the Exsultate, jubilate

L’ombre milanaise du Padre Martini
Maximiliano BAÑOS, Federico FIORIO, Raffaele GIORDANI
CD

Voyage intime

L’arbitraire de l’intime
David KADOUCH, Sandrine PIAU
CD

Strauss : Four last songs

Rachel Willis-Sørensen en quête de l’essentiel
Andris NELSONS, PILGRIM SEBASTIAN, Rachel WILLIS-SØRENSEN
CD