Trop cher, trop long, trop élitiste, trop vieux, trop guindé, trop compliqué… Jean-François Zygel passe en revue dans l’avant-propos d’Aimez-vous Beethoven, les mauvaises raisons de ne pas aimer la musique classique aujourd’hui. Trop ? Ce « trop » désigne en quatre lettres la surabondance d’un art complexe, dont la complexité rend l’étude inépuisable.
Pour preuve, ce nouvel essai en forme d’éloge proposée par Bruno Ory-Lavollée, directeur d’institutions culturelles, pianiste amateur, président du Festival des forêts (qui organise des concerts en pleine nature) et avant tout mélomane. C’est en effet le mélomane qui durant la première partie du livre brasse avec l’enthousiasme débordant du dilettante un certain nombre de considérations autour de la musique classique, entrecoupées d’exemples censés appuyer la démonstration. Arguments en faveur de la supériorité du genre ou prétexte à partager coups de cœur et préférences ? Le plaisir lisible avec lequel Bruno Ory-Lavollée s’égare sur les chemins de traverse, butinant les meilleurs moments de la Sonate en si mineur de Liszt, contemplant les libertés prises par Schubert dans Marguerite au rouet ou s’ébattant au gré des derniers quatuors de Beethoven, plaide pour la deuxième proposition. Et l’opéra ? L’auteur en fait si peu cas qu’il le qualifie de « cimetière de la musique » et rebaptise Massenet Gustave pour ne retenir de Thais que sa « Méditation ».
Place ensuite aux inquiétudes qui ne peuvent manquer d’agiter aujourd’hui l’amateur de musique classique compte tenu des menaces pesant sur l’objet de son intérêt. Après avoir passé en revue les multiples raisons politiques, éducatives et sociologiques de se montrer inquiet, Bruno Ory-Lavollée esquisse des solutions : bâtir des stratégies collectives, jouer des instruments du marketing, investir les médias, réinventer le concert classique, réinsérer les œuvres contemporaines dans les programmes, recréer des ponts entre musiques classique et populaire…
A qui s’adresse finalement ce livre pétri de louables intentions ? A « l’élu chargé de culture pour défendre son budget » comme le donne à penser cette dernière partie ou, ainsi que l’énonce l’auteur dans son introduction, aux parents qui « sauront pourquoi il est important d’inscrire leur enfant au conservatoire », au professeur de musique qui « puisera des arguments pour motiver ses élèves », aux mélomanes qui « approfondiront les motivations de leur propre pratique » ou aux non-mélomanes qui « comprendront les raisons de se lancer à la conquête de cet eldorado » ? Etant données la multiplicité du sujet et la diversité des motivations, n’aurait-il pas fallu adapter le discours à chacun des publics visés ? A vouloir atteindre trop de cibles, le risque est de n’en toucher aucune.