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Carlo Vistoli : « Chaque soir, au dernier acte, j’avais de la peine à retenir mes larmes »

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Actualité
5 mai 2020
Carlo Vistoli : « Chaque soir, au dernier acte, j’avais de la peine à retenir mes larmes »

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Nous ne verrons pas Venise au printemps ni les débuts de Carlo Vistoli dans le rôle-titre du Farnace de Vivaldi. Mais à défaut de scène, l’artiste s’invite dans nos salons par la grâce d’un nouvel album (Amor tiranno sorti le 24 avril chez Arcana) gorgé d’affects et rayonnant d’intelligence. Une rencontre s’imposait, forcément virtuelle, avec l’artiste confiné dans son Italie natale.

Comment avez-vous été informé de l’annulation de Farnace au Teatro Malibran ?

La communication officielle est tombée lorsque le président du Conseil des ministres a décidé de prolonger le lockdown jusqu’au 3 mai – la première devait avoir lieu le 30 avril. Toutefois, je le savais déjà : les répétitions auraient dû commencer le 31 mars et nous n’aurions pas eu assez de temps. De plus, j’étais en contact avec mes collègues chanteurs et à la mi-mars nous n’avions déjà plus beaucoup d’espoir. C’est dommage, parce que cela promettait d’être une belle production. J’en avais discuté avec le metteur en scène, Christophe Gayral, en décembre dernier à Paris, et j’avais trouvé sa relecture des vicissitudes politiques et familiales de l’histoire de Farnace très intéressante. En outre, j’aurais été le protagoniste de l’opéra aux côtés de Sonia Prina, qui a été mon professeur et à laquelle je suis très attaché. La Fenice a déjà cherché activement à quelle période elle pourrait proposer à nouveau ce spectacle. Rien n’est encore décidé, parce que faire des projets aujourd’hui est tout sauf facile, mais j’espère que ce sera bientôt !

Les artistes qui travaillent en Allemagne semblent les mieux lotis face à cette crise : non seulement beaucoup sont en troupe, mais le gouvernement a également décidé de créer un fond d’urgence pour venir en aide au secteur culturel. Dès le 15 mars, un collectif de chanteurs lyriques actifs en France publiait une lettre ouverte. Y a-t-il aussi une mobilisation en Italie ?

En Italie, les travailleurs du monde du spectacle n’ont pas vraiment de garanties, ils n’ont même pas la possibilité d’accéder aux bénéfices de l’intermittence, comme en France. Il y a, toutefois, une association qui s’appelle Assolirica (associazione nazionale artisti lirici), à rapprocher d’Unisson en France, je pense,  et je l’ai rejointe récemment. C’est un moyen d’unir nos forces et nos voix – je crois que c’est la bonne expression à utiliser dans ces circonstances ! –  pour dialoguer avec les institutions et mettre en évidence les problèmes d’un secteur qui est en train de payer un lourd tribut à la fermeture totale des théâtres et salles de concert, sans savoir quand il sera possible de recommencer à travailler. Par le passé, en Italie, les artistes lyriques ne se préoccupaient guère de leurs droits et cette association est le seul organisme dans ce secteur. Assolirica a également adressé une lettre au ministre pour les Biens et Activités culturels, dans laquelle nous lui demandons de prendre des mesures en faveur de nos droits pendant cette période de crise. Le gouvernement italien a accordé une indemnité de 600 euros aux travailleurs autonomes, selon certaines conditions, pour le mois de mars et il est en train de délibérer pour le mois en cours. C’est sans doute mieux que rien, mais avec la perspective de ne pas travailler durant plusieurs mois, beaucoup d’entre nous se retrouvent en difficulté. Le secteur de la musique et plus globalement celui de la culture – tellement important dans l’économie d’un pays comme l’Italie –, doivent être pris au sérieux par ceux qui nous gouvernent. Je vois que le nombre d’adhérents à Assolirica augmente chaque jour et j’espère que toujours plus de personnes comprendront l’importance d’agir ensemble, dès maintenant, pour le futur de l’art lyrique.

Votre concert à la Salle Grévin le 18 mai a dû être annulé, mais votre site renseigne un autre concert le 8 février 2021. Est-ce le même qui a déjà pu être reprogrammé ?

Oui, en effet, j’ai mis à jour le calendrier sur mon site avec les productions qui sont actuellement confirmées. Philippe Maillard, qui organise cette saison, m’a proposé quelques dates alternatives, et celle du 8 février 2021 semblait marcher pour moi et Le Stagioni, l’ensemble de Paolo Zanzu (en formation réduite pour cette occasion : juste Zanzu au clavecin et Marco Frezzato au violoncelle). Le programme du récital reste le même : des airs et cantates de chambre de trois grands protagonistes de la musique vocale du XVIIIe siècle, à savoir Haendel, Porpora et Vivaldi. Pour les morceaux d’opéra, j’ai choisi spécifiquement des airs écrits avec basse continue, donc pas des réductions de pages avec orchestre, exactement comme les cantates de chambre. Ce sont des moments très intimes aussi dans l’action du drame : ce type d’air n’est pas fréquent dans les opéras de l’époque, mais ce sont de vrais petits bijoux.

Nous ne pourrons pas vous entendre au festival de Saint-Michel en Thiérache ni au Midsummer Festival d’Hardelot. En revanche, Beaune semble maintenir ses deux derniers week-ends et vous devriez chanter Licida dans L’Olimpiade de Vivaldi…

L’été 2020 aurait dû être pour moi presque entièrement « français », mais à cause de l’annulation des concerts, actuellement jusqu’au 15 juillet, je ne pourrai pas venir. J’aurais aimé découvrir toutes ces villes… Pour ce qui est de Beaune, je devais me produire dans deux opéras : Il ritorno d’Ulisse in patria de Monteverdi avec Stéphane Fuget puis L’Olimpiade de Vivaldi avec Jean-Christophe Spinosi. Le premier a été annulé, mais on devrait le proposer en mars 2021 à l’Opéra de Versailles, quant au second, il y aurait encore la possibilité de le donner comme prévu. Cela dépendra de la situation sanitaire qui, espérons-le, va bientôt s’améliorer ! Est-ce que les conditions des concerts en plein air, dans la Cour des Hospices, pourraient satisfaire aux exigences de distance sociale imposées pour contrer la propagation du virus ? Pour l’instant, je crois qu’on ne peut pas encore répondre à cette question et qu’il faut attendre. L’espoir meurt en dernier, certes, mais j’avoue ne pas être très confiant. J’ai peur que cet Olimpiade ne partage le sort du Farnace vénitien…


Carlo Vistoli (Ottone) et Sonya Yoncheva (Poppea)© Maarten Vanden Abeele

Certains chanteurs apprennent des rôles, travaillent à la constitution de nouveaux programmes et plusieurs apprécient également de pouvoir passer plus de temps avec leurs proches. Cette crise nous réapprend à vivre, confiait Julien Behr, soulignant que, d’ordinaire, les artistes parcourent le monde à un tempo accéléré. Personnellement, comment vivez-vous cette période inédite ?

Le rythme des chanteurs est parfois très frénétique, c’est vrai. L’été dernier, par exemple, je donnais un concert le samedi soir dans un village de Lorraine et le matin suivant, je devais me lever à l’aube pour rejoindre Paris, en changeant deux fois de trains, afin de prendre une correspondance pour Bruxelles où j’avais un concert en matinée, retransmis en direct à la radio. Quel stress ! Maintenant, tout a changé, brutalement. J’ai fait un dernier concert le 6 mars (encore à Bruxelles), puis c’était les vacances forcées. En ce moment, je me trouve à Turin, avec mon copain. Nous avons déménagé ici il y a quelques mois, parce que ce n’est pas loin de la France, le pays, avec l’Italie, où je travaille le plus et auquel je suis fort lié. Je n’ai pas encore mon piano avec moi ni toutes mes partitions, mais aujourd’hui, avec la technologie, on peut surmonter ces problèmes : j’en ai beaucoup en format numérique et j’utilise une application « clavier » sur ma tablette pour étudier. Ce n’est pas optimal, mais je me débrouille. Je ne sais pas si les concerts des prochains mois auront lieu, mais je regarde quand même les musiques : on ne sait jamais. 

Pour le reste, en ces journées qui se ressemblent toutes, j’écoute de la musique – bénis soient les services de streaming ! –, je lis beaucoup, je regarde des films, je fais un peu d’activité physique (c’est important pour le chant aussi) et je m’occupe des tâches ménagères.  En matière de cuisine, j’avoue me limiter seulement aux plats les plus simples ; c’est mon copain qui prépare les repas. La vie à la maison, pour un chanteur, est une expérience nouvelle ; parfois, c’est difficile, en particulier quand on apprend des annulations et qu’on pense au futur, plein d’incertitudes, mais il faut rester fort. En outre, nous avons la possibilité de rester en contact avec nos proches et avec nos amis. Cela nous aide à ne pas sombrer dans la tristesse et le désespoir quand nous lisons, par exemple, que les théâtres pourraient demeurer fermés 18 mois…

Andreas Scholl en appelle à la création d’une Europe de la Santé et de la Culture. Vu d’Italie, livrée à elle-même dans ce contexte si dramatique, n’est-ce pas un vœu pieux, pour ne pas dire une chimère ?

J’appartiens à une génération pour laquelle l’Europe n’est pas seulement un concept géographique, mais aussi une idée d’appartenance. Dès que j’ai commencé à travailler et donc à voyager, j’ai visité de nombreux pays membres de l’Union Européenne et, même si je suis citoyen italien, j’ai toujours eu la sensation de partager des valeurs qui vont au-delà des frontières. Mais le virus ne connaît pas non plus de barrières et même si l’Italie a été le premier pays européen où il s’est propagé largement, on a vu, malheureusement, le même scénario se répéter ailleurs. Je crois que seules des actions communes peuvent y apporter une réponse efficace. Certes, chaque pays les adaptera à sa réalité particulière, cependant, il faut avoir une vision plus large, c’est-à-dire, dans notre cas : européenne. « Santé » et « Culture » sont deux domaines essentiels – sans le premier, on ne peut penser le second, ni rien d’autre d’ailleurs – qui ont besoin d’une collaboration entre les gouvernements pour un développement optimal. À propos de la situation actuelle, je suis sûr que l’Italie, qui a vécu une expérience dramatique, sera aidée par les autres États européens, même s’il y a encore des polémiques et des positions défavorables.  Chaque maillon est important pour la solidité de la chaîne.

Après un premier album consacré au castrat Nicolino, votre nouveau disque se concentre sur « les amants au cœur brisé dans la Venise du dix-septième siècle. » Or, si le programme comprend  plusieurs lamenti, on est également surpris par l’énergie et même la combattivité de plusieurs amants auxquels vous prêtez votre voix… Comment avez-vous établi le programme ?

Si mon premier récital était une anthologie d’airs écrits pour un chanteur, ce deuxième suit effectivement une thématique. Une fois le répertoire délimité sur les plans temporel et géographique, j’ai pensé qu’il fallait quand même penser à introduire de la variété. C’est vrai que le fil rouge (le rejet de l’amour) fait d’abord songer à de la musique « triste », dans le registre de la plainte, mais il y aussi un côté plus énergique, plus réactif et même ironique. Si Iarba dans La Didone ou Idraspe dans Erismena plongent dans l’amertume, des amants trahis ou repoussés expriment également leur désillusion en des termes empreints de fureur (Ottone dans L’incoronazione di Poppea, qui pense même à tuer sa bien-aimée) ou de dérision (la chaconne de Ferrari « Amanti, io vi so dire »). Le texte d’introduction de Jean-François Lattarico, spécialiste du théâtre musical du XVIIe siècle, analyse ces différentes manières, tant textuelles que musicales, de traiter le sujet, et fournit aussi de nombreux exemples tirés de la littérature contemporaine. Une précision toutefois : le programme comporte une exception, puisque j’ai également enregistré « Così mi disprezzate ? » de Frescobaldi, un compositeur qui n’est pas lié à Venise contrairement aux autres. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé d’en faire un bonus track. J’ai toujours aimé cet air développé sur une basse de passacaille. Il me semblait offrir une belle conclusion au disque de par sa vivacité mais aussi de par sa dernière phrase, « Io riderò ben poi », l’ultime éclat de rire revenant à celui qui a été méprisé.

A l’été 2017, vous m’expliquiez que votre voix évoluait dans une tessiture entre contralto et mezzo, mais que vous chantiez souvent et par choix dans une zone plus grave. Enregistré un an et demi plus tard, en décembre 2018, Amor tiranno confirme cette prédilection étonnante chez un contre-ténor…

C’est surtout vrai dans le répertoire du XVIIe siècle, où la parole recouvre un rôle si fondamental dans l’expression musicale. Je préfère rester dans une tessiture plutôt grave, qui me permet de déclamer clairement et d’avoir toutes les couleurs nécessaires pour rendre la gamme complète des affetti. C’est un des enseignements parmi les plus importants que j’ai reçus de mon professeur, William Matteuzzi. Sur le disque, on trouve donc de vrais rôles d’alto, parfois fort graves, comme Iarba dans La Didone (où on trouve l’expression « Amor tiranno »), qui pourrait être chanté aussi par un ténor aigu – mais les couleurs changeraient beaucoup – tout dépend de l’effet recherché. Par contre, les airs provenant non pas d’opéras mais de différents recueils (Ferrari, Laurenzi, Monteverdi) ont été transposés à la quarte inférieure : ils sont écrits pour soprano, mais cette transposition fonctionne bien sur le plan harmonique. Par contre, dans le répertoire plus tardif, je chante normalement plus aigu et d’une manière que je qualifierais de plus « lyrique ». Le rôle de Farnace chez Vivaldi, par exemple, est plutôt mezzo. De plus, avec le diapason moderne de l’orchestre de La Fenice, je serais monté vers la partie plus aigüe de ma voix.

Vous proposez une version très particulière de Sì dolce è ’l tormento. Pourriez-vous nous parler de sa conception ?

Cette page est l’une des plus célèbres du XVIIe siècle et il en existe déjà nombreux enregistrements. Au début, je n’étais pas sûr de vouloir l’inclure, car je doutais d’avoir vraiment quelque chose de nouveau à dire. Le claveciniste Filippo Pantieri m’a alors proposé d’en donner une version un peu différente de ce qu’on entend d’ordinaire, avec des variations pour chaque strophe ainsi que l’ajout de deux violons et d’une viole de gambe. Je suis conscient que ce n’est pas très philologiquement correct car il suffirait d’un théorbe. En même temps, je me suis dit que nous avions réalisé un travail plutôt rigoureux sur tous les autres morceaux – sauf, peut-être, en recourant occasionnellement à des percussions, mais c’était pour deux airs « dansants » – et que nous pouvions donc nous permettre de faire une exception pour Sì dolce è ’l tormento. Finalement, j’étais content du résultat et la maison de disque, Arcana, m’a même demandé d’en réaliser une vidéo pour la promotion du CD. Le lieu où nous avons enregistré, à savoir le château de Longiano, un bâtiment de la Renaissance en Émilie-Romagne, est fort beau, donc nous avons décidé d’utiliser ses chambres et balcons… et quelques bougies pour l’atmosphère.

Vous avez aussi retenu quelques pages d’Ottone – le rôle qui vous convient le mieux sur le plan de l’écriture et du caractère, m’aviez-vous confié. Entretemps, Harmonia Mundi a publié en CD et en DVD L’incoronazione di Poppea captée sur le vif à Salzbourg. Que pensez-vous du résultat ?

J’ai décidé d’enregistrer les deux scènes de L’Incoronazione di Poppea parce que Ottone compte parmi mes rôles préférés et je voulais les donner dans leur intégralité : dans la version de Salzbourg, il y avait des coupures – c’est normal d’ailleurs, car c’est un opéra fort long. Pour la scène de la confrontation avec Poppea (I, 11), j’ai choisi de suivre le manuscrit napolitain où il y a un petit air (« Ahi, chi si fida in un bel volto ») qui n’a probablement pas été écrit par Monteverdi, mais qui est très touchant, avec les violons qui amplifient la douleur du personnage. Ottone est un caractère à la fois faible et combattif, traversé par de nombreux changements d’humeur et d’affect : Monteverdi et son librettiste Busenello ont vraiment créé un chef-d’œuvre d’introspection psychologique. 

Je suis particulièrement attaché à cet opéra parce que je l’ai chanté plusieurs fois en 2017 en tournée avec Sir John Eliot Gardiner puis, justement, l’année suivante au Festival de Salzbourg, avec William Christie et une fort belle distribution. Je suis heureux que l’enregistrement audio ait été publié ainsi que la vidéo. La mise en scène de Jan Lauwers était très « physique » et les danseurs omniprésents, mais il n’y avait rien d’autre et il fallait donc arriver à tout exprimer avec sa voix et avec son corps. Mon Ottone est sans doute plus énergique, presque plus violent que dans l’interprétation avec Gardiner. Les superbes musiciens des Arts Florissants étaient très près de nous, dans une fosse qui arrivait presque au niveau de la scène, divisée en deux parties, et il y avait un dialogue constant avec eux, comme un flux d’énergie. William Christie nous suivait avec enthousiasme et une attention constante : il lui suffisait d’un regard pour nous faire comprendre l’affetto que la situation exigeait. La vidéo complète l’enregistrement audio, car on ne comprend pleinement certains choix musicaux qu’en regardant le spectacle. L’été 2018 à Salzburg fut une période magnifique pour moi : vivre l’ambiance du Festival de l’intérieur a été une expérience inoubliable et j’y repense avec nostalgie, particulièrement en cette période d’arrêt forcé.


Carlo Vistoli (Orfeo)  © Fabrizio Sansoni

Haendel sera au cœur de votre prochaine saison avec Ottone (Agrippina à la Scala), Goffredo (Rinaldo à Lausanne), mais aussi, sauf erreur, vos débuts en Giulio Cesare pour une tournée de concerts (Bâle, Madrid, Halle). Ce rôle est une consécration pour beaucoup de contre-ténors. Que représente-t-il pour vous ?

Haendel est un de mes compositeurs préférés et je suis content de pouvoir chanter sa musique si fréquemment. J’ai déjà abordé le rôle de Tolomeo et Giulio Cesare est un rêve qui devient réalité, mais aussi un beau défi, parce que c’est un rôle exigeant, avec beaucoup d’airs de virtuosité. De plus, je ferai aussi mes débuts au Festival de Halle et j’en suis fort content. L’année prochaine, ce sera en version de concert pour une tournée avec Andrea Marcon, mais plus tard, nous espérons aussi pouvoir le donner sur scène, même si j’ai déjà en projet des productions sur lesquelles je chanterai Tolomeo. Pour ce qui est des autres rôles que vous mentionnez, j’espère vraiment que ces spectacles pourront voir le jour … Avant Lausanne, je devrais chanter Goffredo à Sydney, en décembre, mais le conditionnel est nécessaire, vu les circonstances. Et je suis également impatient de prendre part à Agrippina au Teatro alla Scala : j’y ai déjà chanté il y a un an – toujours Haendel, Semele avec Gardiner (Athamas) – mais c’était juste un concert, alors que cette fois-ci, ce sera une production scénique, avec plusieurs représentations. Mais tout est tellement incertain… 

Vous avez abordé la saison dernière, à Rome, un autre rôle mythique auquel bien des contre-ténors rêvent de se mesurer : l’Orfeo de Gluck. Que retenez-vous de cette expérience ?

Orfeo ed Euridice à Rome était vraiment une expérience inoubliable : un ouvrage aussi célèbre, qui n’a jamais quitté le répertoire et dont le protagoniste reste constamment sur scène, en outre dans un théâtre fort important. J’étais vraiment excité et mais je nourrissais aussi des appréhensions, or finalement ce fut un vrai succès et le public s’est montré très généreux avec moi. Je dois avouer que, comme auditeur, je n’avais jamais été réellement transporté par cet opéra, mais une fois passé de l’autre côté, la musique m’a touché au plus profond de moi-même et chaque soir, au dernier acte, j’avais de la peine à retenir mes larmes. La mise en scène de Robert Carsen, si belle et intense, m’a sans doute aidé à glisser dans la peau du malheureux chanteur. Travailler avec Robert Carsen et Gianluca Capuano, qui dirigeait, a été un vrai plaisir : nous étions toujours sur la même longueur d’onde et j’ai appris beaucoup. J’ai hâte de chanter à nouveau Orfeo.

Quels retours avez-vous reçus, notamment de Cecilia Bartoli, si ce n’est pas indiscret ?

Bartoli a été vraiment gentille avec moi : après la première, elle est venue me féliciter en disant qu’elle avait beaucoup apprécié ma performance. Je ne savais pas quoi répondre, j’étais si flatté. A la réception, après le spectacle, il y avait beaucoup du monde (même Roberto Benigni !), mais ses mots m’ont particulièrement touché. Je l’avais déjà rencontrée à Salzburg et je l’avais trouvée adorable. L’avoir vue au théâtre à l’occasion de mes débuts en Orfeo fut un véritable honneur. Je crois même me souvenir qu’elle était venue voir aussi la répétition générale, deux jours avant. Chanter avec elle serait un rêve. Qui sait, un jour peut-être… j’en caresse l’espoir !

Bologne, Turin, Ravenne, Spoleto, Venise, Rome, Milan… : vous chantez partout en Italie et on pourrait croire que le contre-ténor y est devenu un chanteur lyrique à part entière. Est-ce le cas ?

Les engagements en Italie sont maintenant plus fréquents et j’en suis content. Je travaille toujours avec beaucoup de plaisir à l’étranger, également parce que j’aime bien voyager, mais avoir la possibilité de chanter dans des lieux mythiques comme La Scala ou La Fenice me fait aussi plaisir. Même s’il n’y a pas vraiment une école italienne de contre-ténors, j’ai noté, au cours des dernières années, un intérêt toujours plus vif du public et mes compatriotes contre-ténors font aussi une belle carrière. Je crois qu’aujourd’hui, même en Italie, cette typologie vocale commence à être estimée au même titre que les autres et les théâtres comme les salles de concert nous demandent de plus en plus. En Italie, j’ai aussi fait plusieurs productions de musique contemporaine, un autre pan du répertoire qui m’intéresse beaucoup. J’ai ainsi pu collaborer directement avec de grands compositeurs comme Salvatore Sciarrino ou Adriano Guarnieri. À ce propos, en septembre 2020, j’avais en projet une tournée avec Riccardo Muti : nous devions donner une nouvelle composition de Giovanni Sollima inspirée de l’Inferno de Dante (pour les 700 ans de sa mort), mais le Festival de Ravenne a décidé de reporter les concerts à l’année prochaine – à cause, bien sûr, de la crise sanitaire. Je devrai donc attendre un peu plus longtemps que je ne l’avais d’abord imaginé pour être dirigé par un des grands de la musique d’aujourd’hui. 

 

 

 

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