Avec la mise en scène de Madama Butterfly créée à l’English National Opera en 2005, le cinéaste britannique Anthony Minghella (Le Patient anglais ), décédé prématurément en 2008, s’essayait pour la première et unique fois à l’opéra. Coproduite avec le Metropolitan Opera où elle a été représentée à plusieurs reprises et déjà retransmise en 2009, cette magnifique production, diffusée dans les cinémas hier, n’a pas pris une ride.
Le décor, minimaliste, est constitué de quelques panneaux coulissants qui délimitent les différents lieux où se déroule l’action, et de quelques chaises. Sur le fond de scène noir se détache un rectangle aux couleurs vives, rouge ou bleu, qui changent au gré des événements. Les costumes – traditionnels – sont somptueux, notamment ceux des invités de Butterfly, aux teintes chatoyantes. La direction d’acteurs n’est pas sans évoquer une chorégraphie, ce que souligne la présence sur scène de marionnettistes vêtus de noir, à peine visibles dans l’obscurité, qui donnent vie à l’enfant de l’héroïne représenté ici par une poupée Bunraku. A la fin du premier acte, tandis que Butterfly et Pinkerton se retirent, les animateurs promènent dans la nuit des lanternes lumineuses créant un tableau d’une infinie poésie tout comme ces oiseaux de papier qu’ils agitent dans les airs pour signifier l’approche de l’aurore au dernier acte.
La distribution réunie pour l’occasion est supérieure à celle de 2009, qui avait fait l’objet d’un DVD. Les seconds rôles sont tous impeccables. Citons l’excellent Goro de Tony Stevenson, le Bonze impressionnant de Stefan Szkafarowsky ainsi que Yunpeng Wang qui campe un Yamadori plus émouvant qu’inquiétant sans oublier Edyta Kulczac, discrète Kate Pinkerton. Maria Zifchak est une Suzuki soumise et réservée qui affiche tout au long de la soirée une mine de circonstance en accord avec les événements dramatiques qui se succèdent. Enfin Dwayne Croft est un Sharpless de luxe au timbre de bronze, digne et sobre à la fois.
Pour Roberto Alagna cette série de Butterfly, dont c’était ce soir la dernière, a succédé à une série de représentations de Manon Lescaut (voir brève du 6 mars). Rien d’étonnant alors qu’une certaine fatigue vocale notamment au niveau de l’aigu, ait été perceptible en début de soirée. La voix s’est ensuite chauffée ce qui a permis au ténor de chanter un « Addio fiorito asil » poignant, concluant avec panache une incarnation en tout point convaincante.
Kristine Opolais dont la Manon Lescaut ne nous avait pas tout à fait convaincus crée la surprise en interprétant une Butterfly éblouissante. Même si sa gestuelle et son timbre, lors de son entrée en scène, ne sont pas tout à fait ceux d’une adolescente de quinze ans, elle n’en campe pas moins un personnage captivant de bout en bout. Son « Un bel dì vedremo » est bouleversant, son « Tu tu piccolo iddio », déchirant. On ne sait qu’admirer le plus : la qualité de la voix, la solidité de l’aigu, la luminosité des demi-teintes ou le jeu scénique toujours juste et sans excès.
Karel Mark Chichon, s’il n’atteint pas les mêmes sommets que Fabio Luisi dans Manon Lescaut, propose néanmoins une direction alerte et précise, dramatique sans être mièvre, tirant de l’orchestre du Metropolitan Opera des sonorités chatoyantes.