L’an prochain, cinq siècles de musiques sont au programme de l’institution bretonne qui poursuit un développement aussi intelligent qu’ambitieux, adossé à de solides structures comme Angers-Nantes Opéra pour quatre productions ou encore la Co[opera]tive pour la quatrième année consécutive. Le grand gagnant est le public, fort gâté cette année encore.
L’année débutera par l’accueil d’une nouvelle proposition du duo Emily Wilson et Jos Houben rejoint par les musiciens de l’ensemble Correspondances de Sébastien Daucé. Cupid & Death est un masque de Locke et Gibbons qui mêle à bride abattue, textes, musique, danse et arts visuels. Leur Petite Messe Solennelle de Rossini, grand succès de l’hiver 2019, poursuit actuellement sa troisième saison d’exploitation, notamment au théâtre de l’Athénée.
Novembre s’inscrira sous le signe de la création et de la musique contemporaine avec une commande et création mondiale de Philippe Leroux, L’Annonce faite à Marie d’après Claudel, dans une mise en scène de Célie Pauthe et sous la direction de Guillaume Bourgogne et de son ensemble Cairn – spécialiste de ce répertoire. La semaine suivante, le plateau accueillera les Enfants Terribles de Philip Glass d’après Cocteau, mis en scène par Phia Ménard dans le cadre de la nouvelle création de la Co[opera]tive dont fait partie la maison rennaise depuis 2018. La performeuse propose quelques défis techniques aux équipes comme une triple tournette concentrique qui permettra aux chanteurs de prendre en charge les parties dansées de cet « opéra chorégraphique » tout en déplaçant le propos de l’enfance au grand âge, celui où l’on s’affranchit parfois des filtres sociaux pour s’assumer dans sa dimension d’enfant terrible.
Après une incursion en terre de comédie musicale pour Noël avec le foutraque Chamonix de la compagnie 26000 couverts, suivront trois autres coproductions dans le cadre du partenariat avec Angers Nantes Opéra. Cette mobilisation conjointe des équipes pour coproduire chaque saison est un modèle de collaboration unique en France qui depuis plusieurs années permet mutualisation des coûts, montée en gamme des spectacles et de leur diffusion avec des séries de quinze à vingt représentations dont rêvent bien des structures lyriques.
En février, Zaïde sera à l’affiche. Le compositeur Robin Melchior, le chef Nicolas Simon à la tête de l’Orchestre National de Bretagne et la metteuse en scène Louise Vignaud redonneront des couleurs à l’œuvre inachevée de Mozart. Cette équipe artistique était déjà aux manettes de la Dame Blanche à applaudir cet été au festival de Saint Céré.
En mars, le jeune Verdi sera à l’honneur avec Luisa Miller crée tout récemment à l’Opéra d’Erfurt, dans une mise en scène de Guy Montavon et dirigé par Pietro Mianiti avec le choeur d’Angers Nantes Opéra et l’Orchestre National des Pays de la Loire puis en mai, l’Élixir d’amour de Donizetti, confié à David Lescot. Déjà venu pour la Finta Giardiniera puis Trois Contes, le metteur en scène nous plongera cette fois dans un univers à la Kusturica, tandis que Chloé Dufresne dirigera pour la première fois la phalange de l’Orchestre National de Bretagne et le Choeur de chambre Mélisme(s). C’est ce spectacle – après quatorze séances dans le grand ouest et avant une reprise à Nancy – qui fera l’objet de l’édition annuelle d’Opéra sur écran(s) dont la soirée 2022, gratuite comme toujours, a rassemblé le mois dernier plus de 10 000 spectateurs dans une cinquantaine de communes autour de Madame Butterfly.
Cette programmation audacieuse et éclectique a déjà récompensée cet été par le prix du meilleur spectacle crée en région par le syndicat professionnel de la critique avec The Rake’s progress. Elle reflète l’esprit d’ouverture et d’innovation de la maison rennaise dont le directeur a à cœur d’ouvrir les portes à un public plus diversifié et à des structures culturelles variées pour mieux faire vivre le lieu tout au long de l’année y compris, depuis trois ans, pendant la période estivale. Preuve en est cette programmation « Désir d’été » qui s’avère l’occasion de réjouissantes découvertes comme le Bal de Paris de Bianca Li, spectacle immersif de réalité virtuelle actuellement sur le plateau. Après Londres, Genève ou Paris et avant Venise et Spoleto, c’est sur la scène de l’opéra que dansent les participants dans un décor époustouflant pour une expérience assez décoiffante !