Si l’année prochaine, Renato Bruson (né en 1936) fêtera ses 74 printemps, il fêtera aussi et surtout ses cinquante ans de carrière. Tout ne fut pas toujours rose pour le natif de Granze qui à l’issue d’une audition à la Scala de Milan en 1963 s’entendit dire « Bruson, vous chantez bien mais vous n’avez aucune personnalité ». Cette personnalité, justement, qui le distingue de ses collègues à travers des années où la finesse n’était pas toujours l’enjeu, Bruson, lui -musicien, âme toute d’intériorité, quoi que parfois court d’aigu- a donné ses lettres de noblesse au baryton grand seigneur. L’homme est impétueux, il mène un combat aux poings à l’Opéra de Monte-Carlo sous le regard amusé du Prince et de la Princesse qui lui offrent du champagne pour fêter ça; plus tard il gourmandera notre ancienne rédactrice en chef, Catherine Scholler, parce qu’elle portait des bermudas dans la salle de petit déjeuner d’un hôtel italien. Les années passent, les engagements se font plus rares, un vibrato s’installe et entrave la belle ampleur de cette voix bistrée – en 2009 pourtant il offre à Dortmund un Foscari intègre, bien chantant, tout auréolé du poids de l’expérience. Et en 2010 ? Renato Bruson est triste, personne ne lui a proposé de fêter dignement ses cinquante années de métier. (HM)