Cet hiver interminable sape votre moral, vous avez une irrésistible envie de soleil, de bourgeons en fleur ? Alors ce disque, encore emperlé de rosée, pourrait bien vous ragaillardir. Les Lunes du Cousin Jacques empruntent leur nom au mensuel littéraire et critique de Louis Abel Beffroy, dit le Cousin Jacques (1757-1811), journaliste et dramaturge à la plume spirituelle et mordante, surnommé « le poète comique de la Révolution ». L’irruption du théâtre haendélien dans l’intimité de la musique de chambre intéressait au premier chef Benoît Toïgo, flûtiste et confondateur de ce nouvel ensemble baroque qui a établi la thématique de l’album. Des quatre sonates, enlevées avec grâce et panache par les musiciens (excellent continuo de Frédéric Hernandez au clavecin, Diego Salamanca au théorbe et Annabelle Brey au violoncelle), celle en ré mineur (HWV 367) est sans conteste la plus opératique, avec sa tempête, qui porte la mention furioso dans l’autographe, et son majestueux adagio aux allures de récitatif accompagné. Au coeur du programme, deux inédits (Royal College of Music, London) retiendront l’attention : Son d’Egitto, une aria en si mineur, brève et agitée, probablement composée pour Giulio Cesare ou Tolomeo, et surtout Non posso dir di più, très belle déploration originellement écrite en ut mineur, mais transposée ici à la tierce supérieure pour le soprano sensible et pudique d’Aurore Bucher. La destination de cette plainte, tout en sobriété, d’une princesse mariée de force à un tyran étranger reste à ce jour inconnue, mais peu importe, à dire vrai, car elle devrait séduire les chanteurs et nous avons hâte d’en découvrir de nouvelles lectures. Changement de registre, avec l’allègre Nel dolce dell’oblio, seule cantate pour soprano, flûte à bec et basse continue de Haendel, qui complète le programme d’une anthologie fort bien conçue et interprétée. Sortie en France, aujourd’hui, 24 avril. [Bernard Schreuders].
Haendel, Théâtre intime, Les Lunes du Cousin Jacques, 1 CD Hortus HOR 101