Créés en 1896 avec le grand orchestre auquel sont habitués les mélomanes (le compositeur, à la tête du Philharmonique de Berlin, y accompagnait le baryton Anton Sistermand), les Lieder eines Fahrenden Gesellen (Chants d’un compagnon errant) sont de ces œuvres de Gustav Mahler qui recèlent de beautés chambristes : la transcription pour effectif réduit réalisée par Schoenberg, choisie par Jonas Kaufmann pour sa première apparition à l’Opéra Royal de Versailles, le prouvait encore récemment. Samedi 21 mars au Théâtre des Champs-Elysées, dans une version encore plus épurée, où seul un octuor (deux violons, alto, violoncelle, contrebasse, clarinette, basson et cor) accompagne la voix, celle d’Allison Cook reste cependant confidentielle ; la mezzo, alors contrainte de poitriner ses graves, de ponctuer ses phrases de soupirs ou de sanglots, passe à côté des demi-teintes de ce cycle où pas une mélodie ne finit comme elle avait commencé.
Prades* aux Champs-Elysées oblige, les instruments triomphent : la transcription de Till l’Espiègle pour quintette (violon, contrebasse, clarinette, basson et cor) qui, en 10 petites minutes, relève surtout de la réduction, a le mérite de mettre un coup de projecteur sur les ruptures et les heurts osés par le jeune Richard Strauss. L’encore plus jeune Gustav Mahler a composé, à 16 ans, un quatuor en la mineur pour piano et cordes. Résolument post-romantique, le mouvement unique de cette œuvre de jeunesse construite autour de quelques cellules mélodies ressassées jusqu’à l’obsession, est une porte d’entrée tout en contrastes sur l’imposant quintette en fa mineur de Brahms. Au long des 45 minutes que durent ce chef-d’œuvre, Itamar Golan au piano, Boris Brovtsyn et Fumiaki Miura aux violons, Vladimir Mendelssohn à l’alto et Arto Noras au violoncelle font assaut de nuances, de maîtrise, de subtilité dans le dosage des phrasés : là était le chant…
* L’édition 2015 du Festival de Pablo Casals Prades a lieu du 26 juillet au 14 août (plus d’informations)