Pour cette première diffusion mondiale dans 1500 salles de cinéma de 35 pays, le Royal Opera House proposait ce lundi la retransmission de sa nouvelle Norma dont Yannick Boussaert a déjà fait le compte rendu. A l’écran, la production d’Alex Ollé et Valentina Carrasco ne convainc pas davantage. Ces deux artistes veulent voir en Norma une dénonciation de la violence religieuse. Qu’ils ne se soient pas sentis le courage d’un caricaturiste danois, on ne les en blamera pas, mais de là à illustrer leur propos par l’alliance du sabre et du goupillon dans les dictatures hispaniques, voilà qui est bien daté. Curieux catholiques qui invoquent la lune, ordonnent des prêtres féminins, pratiquent des sacrifices humains … Et dans ce cas, qui sont « leurs » romains oppresseurs ? En ce qui concerne la direction d’acteurs, comme le soulignait Yannick Boussaert, on oscille entre « l’indigent et le remarquable ». Filmés en gros plans, les deux derniers duos entre Norma et Pollione sont un sommet d’intelligence dramatique, Yoncheva et Calleja se révélant excellents acteurs. A l’acte II, le duo entre Norma et Adalgisa, également filmé en plan rapproché, nous permet d’éviter le pire : quand la caméra prend du champ à la fin de la scène, on découvre en effet que les enfants sautent sur des balles rebondissantes autour du décor, ce qui devait quelque peu casser l’ambiance.
A quelques notes près, Sonya Yoncheva chante la partition avec intégrité et un exceptionnel engagement (compte tenu du contexte historique, on peut dire qu’elle y va Franco). La voix sait aussi se parer de mille couleurs, en authentique belcantiste. Le rôle de Pollione est sans doute un peu grave pour Joseph Calleja, qui du coup peine sur certains aigus. Mais le chant est d’une grande musicalité, avec un usage intelligent de la voix mixte, et d’une belle expressivité. Du fait de la proximité des micros, Sonia Ganassi tire son épingle du jeu face à Yoncheva. La chanteuse est bonne comédienne, vocalement professionnelle, mais la voix donne des signes d’usure. Quant à Brindley Sherratt, on aurait préféré ne pas l’entendre du tout, tant il est à la peine dans son air d’entrée. La direction d’Antonio Pappano est plus attentive aux chanteurs que franchement dramatique. Soulignons une remarquable prise de vue et un son spatialisé de grande qualité qui ne sont pas pour rien dans l’intérêt de ces retransmissions. Le Publicis Champs-Elysées affichait d’ailleurs un très bon taux de remplissage avec 185 spectateurs.