On se souviendra peut-être que Stéphane Lissner dut récemment adresser à tous les collaborateurs de l’Opéra une supplique les conjurant de renoncer à faire grève pour ne pas compromettre la saison en cours (voir brève du 25 mai dernier). Les mouvements sociaux avivés par la Loi Travail ont en effet ces dernières semaines battu des records à l’Opéra de Paris.
Hélas, loin de se plier aux objurgations de leur directeur, certains personnels de l’Opéra ont décidé de débrayer lors de la représentation de La Traviata du mardi 14 juin – qu’il fut donc décidé de donner en version de concert. Le public résigné était déjà installé dans la salle lorsqu’il vit paraître sur scène en tout et pour un tout le directeur adjoint de l’Opéra, annonçant fort gêné l’annulation complète de la représentation, l’orchestre ayant finalement décidé de ne pas jouer. Bronca inouïe dans la salle, sifflets et hurlements devant cette situation inédite. Déjà mécontent lorsqu’on lui change une distribution en catimini, le public de l’Opéra s’est senti trahi. Résultat, des demandes d’annulations d’abonnements pour la saison prochaine sont arrivées en masse le lendemain même, selon la direction qui a de nouveau écrit aux collaborateurs pour les rappeler à leur responsabilité.
De toutes les institutions publiques touchées par la grève, l’Opéra de Paris est la plus violemment atteinte. C’est le fragile équilibre de la Grande Boutique qui est menacé par ce mouvement social tandis que le départ de figures emblématiques continue : après Benjamin Millepied, c’est de Dimitri Chamblas, directeur de La 3e Scène, qu’a récemment été annoncé le départ. Les recettes de billetterie restent très décevantes. A ce jour, le rapport annuel pour 2015 n’a toujours pas été publié, signe d’un malaise profond.
Nul ne saurait voir ce grand paquebot sombrer silencieusement sans réagir : les tutelles doivent désormais prendre leurs responsabilités et voler au secours d’une direction décidément malmenée de toutes parts, car l’impact négatif des déboires actuels s’annonce d’ores et déjà durable. Songeons que même sur le Titanic, l’orchestre a joué jusqu’au bout.