« Le tube est mort, vive le tune ! » décrète Emmanuel Poncet dans son dernier livre Eloge des tubes. Et le rédacteur en chef adjoint du magazine GQ d’expliquer à l’issue d’une étude approfondie que dorénavant nos oreilles ne sont plus comme au XXe siècle gouvernées par des chansons calibrées pour être faciles à retenir, mais par des séquences sonores d’une durée variable qui flottent immatérielles dans l’air de notre temps comme un gaz délétère. Tout cela n’a pas beaucoup de rapport avec l’opéra même si certaines pages célèbres du répertoire, remises au goût du jour par la publicité ou le cinéma, peuvent être aujourd’hui qualifiées de tunes au même titre que le hit planétaire de Black Eyed Peas, « I gotta feeling ». Cependant, l’amateur d’art lyrique au fil de sa lecture pourra s’interroger sur ce qui fait le succès d’un air d’opéra. Sans apporter toutes les réponses (là n’est malheureusement pas son sujet), Emmanuel Poncet donne quelques indices. Comment ne pas penser à « Di quella pira », entre autres, quand l’auteur évoque parmi les caractéristiques du tube « la présence récurrente d’une voix mâle faisant un remarquable effort vocal ». Le pouvoir de remémoration, la recherche du tempo perdu (celui implacable du Boléro de Ravel que préfigure la Habanera de Carmen), la dimension politique (le Chœur des esclaves dans Nabucco), la mélodie bien sûr, font aussi partie des ingrédients relevés et commentés par Emmanuel Poncet. Aux quelques anecdotes citées, on pourrait ajouter l’histoire de Verdi à Venise attendant le dernier moment pour donner au ténor la partition de « La donna e mobile » de peur que le jour de la création de Rigoletto la chanson du Duc ne loupe son effet. Si le tune est le tube d’aujourd’hui, l’air d’opéra est celui d’hier. Christophe Rizoud
Emmanuel Poncet : Eloge des tubes, de Maurice Ravel à David Guetta (Editions NiL)