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Sur les 1143 pages que compte le dernier roman de Yann Moix, Naissance, couronné par le Prix Renaudot, les plus patients qui seront arrivés à la page 1032 seront récompensés en découvrant cet hommage ambigu à Régine Crespin interprète des Nuits d’été : « Régine Crespin n’était pas belle, mais secouée de larmes, son visage de concierge d’immeuble révolutionna les viscères, embauma les cœurs et fit couler les vraies larmes. […] Berlioz n’a pas existé : Régine le tue, le remplace, le rend à la mémoire des terres, aux emblavures, au respect. Pousse un lierre, jaillit un nénuphar, triomphe l’herbu. Tout vainc tout. Jusqu’à la fin de la mort. Tout se passe dans Régine. Ce qu’elle prononce, les mots chantés qu’elle parle, qui d’elle s’évaporent, sont de tardifs lambeaux d’elle-même, non pas des notes mais des digestions de portions de nuages, recrachées dans les vapeurs, en souffle. Régine de ses sons se libère : saignée d’or pur. Régine Crespin ne chante pas : elle se chante. Comme on dit : elle se meurt ». Apparemment, les héritiers de feu la Lionne n’y ont rien trouvé à redire. A moins qu’ils ne soient tout simplement pas au courant… [Laurent Bury]