Hervé Niquet, facétieux, s’en réjouit dans sa présentation : « Broadway n’a rien inventé, c’est Louis XIV qui le premier, réunit les plus grands artistes pour produire des spectacles complets mêlant tous les arts ». Avant le Bourgeois Gentilhomme, le duo Molière/ Lully avait déjà commis une première comédie-ballet qui ne connut pas le succès de la précédente : Les Amants Magnifiques ne furent presque jamais remontés intégralement. Cet oubli est réparé, et avec brio ! Dans cette nouvelle production, tout concourt à nous combler, comme l’explique Jean-Marcel Humbert dans son compte rendu de la première à Massy il y a quelques jours.
Dans la fosse, pour cette représentation rennaise, Nicolas André dirige l’excellent Concert Spirituel avec précision et implication. Ce jeune chef normand, qui travaille régulièrement avec Hervé Niquet comme avec Kent Nagano, est également fondateur du Festival d’Arromanches. Le public rennais – qui n’en n’a pas souvent l’occasion – a grand plaisir à profiter d’un orchestre baroque jouant sur instruments anciens.
L’équipe des Malins Plaisirs nous convie à une fête de tous les sens. L’univers visuel joue des codes de la machinerie baroque avec de merveilleuses marionnettes (poissons, murènes, dragon de papier…) et des trouvailles incessantes comme ces méduses-parapluies tellement poétiques. Les costumes d’Erick Plaza-Cochet sont à la fois incroyablement nombreux et assez étourdissants dans leur recherche de matières, de formes et de couleurs. Les lumières de Carlos Pérez rivalisent de délicatesse et de raffinement, tandis que la direction d’acteurs de Vincent Tavernier s’avère, comme toujours, formidable. Dans chaque scène, même les plus statiques, tous les personnages sont caractérisés. La chorégraphie de Geneviève Massé, quant à elle, délaisse la pure reconstitution pour jouer des codes, des clins d’oeils, avec maestria. L’ouverture sous-marine tout comme le final en forme de jeux olympiques resteront dans les mémoires.
Ses danseurs, tout comme les comédiens constituent une troupe éblouissante. L’équipe des jeunes chanteurs rassemblés par Hervé Niquet sont au diapason : ils « baroquent » avec aisance, les voix se fondent parfaitement dans les ensembles et sont joliment caractérisées dans les soli.
Avec ces Amants Magnifiques, toutes les énergies, tous les arts, concourent à une oeuvre d’art totale qui enchante. Rien n’y est poussiéreux ou daté ; humour, second degré, exquises trouvailles musicales et scéniques emportent le spectateur de surprise en ravissement.