Vendredi 25 mars, à l’occasion du premier concert qu’ils donnaient quelques semaines après le départ de leur directeur musical, Tugan Sokhiev, dans les circonstances et les conditions que l’on sait et qui devait initialement diriger ce concert, les représentants des membres de l’orchestre national du Capitole de Toulouse ont lu une déclaration dont le journal La Dépêche a retranscrit de larges extraits, que nous reproduisons à notre tour ci-dessous :
« Mesdames, Messieurs, bonsoir,
Avant d’évoquer la situation particulière dans laquelle se déroule ce concert, nous souhaitons, au nom de l’ensemble de nos collègues témoigner de toute notre émotion devant la violence et les atrocités commises en Ukraine et tout notre soutien au peuple ukrainien (…).
Le concert de ce 25 mars aurait dû être dirigé par Tugan Sokhiev.Tugan Sokhiev est russe. Son histoire, sa famille, sa culture sont intimement liés à ce pays. C’est cette identité et cet attachement à ses racines qui nous ont permis, qui vous ont permis pendant de longues années de nous enrichir de ce qu’il avait à nous transmettre.
Nous avons partagé avec lui tant de moments musicaux mais aussi tant de moments d’échanges humains personnels, que nous savons, sans l’ombre d’un doute qu’il ne peut en aucune manière être suspecté de la moindre complaisance vis-à-vis de cette folie guerrière. Nous n’avions pas besoin qu’il nous le dise mais c’est pourtant ce qu’il a cru devoir affirmer dans une déclaration qu’il a rendue publique. Et c’est probablement pour cela que ses concerts programmés les prochaines semaines à Salzbourg (…) Vienne, Munich ou Rome n’ont pas été annulés.
Les musiciennes et les musiciens de l’Orchestre National du Capitole de Toulouse sont profondément attristés par la démission de leur Directeur Musical, mais plus encore par cette injonction qui est faite aux artistes russes de devoir se justifier, eux qui sont, comme tous leurs compatriotes, les otages d’un régime totalitaire et d’une politique dont ils ne peuvent être comptables. (…) En 1916, alors que la première guerre mondiale dévastait l’Europe, Maurice Ravel avait publiquement refusé de participer à une campagne qui visait à réduire au silence les artistes et la musique allemande. Parce qu’elle n’était pas l’ennemi.
C’est aujourd’hui à nous de nous élever solennellement contre une telle défaite de la pensée (…) Parce qu’ils ont une portée universelle, la musique, la culture, les arts sont de puissants antidotes contre la haine entre les peuples et contre toutes les formes de totalitarismes.(…)
Nous sommes aussi venus dire publiquement que nous ne pouvons pas nous résoudre à voir se terminer de manière aussi brutale notre parcours musical avec Tugan Sokhiev. (…) Contrairement à ce qui a été dit ici ou là, nous avions de nombreux projets communs pour les mois et les années futures avec le maestro Sokhiev, non plus en tant que Directeur Musical, mais comme chef invité ayant un lien privilégié avec notre orchestre.
Nous avons le sentiment que le livre de cette histoire commune a été malheureusement fermé prématurément.
Nous avons donc décidé d’exprimer publiquement et avec un peu de solennité, au nom des musiciennes et musiciens unanimes, mais aussi des membres des équipes techniques et administratives, notre volonté de pouvoir retrouver, dès que les circonstances le permettront, le plaisir du partage musical sous la direction de Tugan Sokhiev.
Nous tenons à lui adresser à cet instant nos salutations les plus amicales. »