–
L’ensemble américain Opera Lafayette est animé d’intentions hautement louables et explore un répertoire qui ne trouve guère de partisans en Europe : après s’être un temps attaqué à la tragédie lyrique, particulièrement bien défendue de ce côté-ci de l’Atlantique, il a sagement opté pour un genre où presque tout reste à faire, celui de l’opéra-comique de la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Ryan Brown a ainsi ressuscité Monsigny, avec Le Déserteur et Le Roi et le fermier, et Philidor, avec Sancho Pança et bientôt Les Femmes vengées ; il jette à présent son dévolu sur le premier opéra que Grétry composa sur un livret de Sedaine, Le Magnifique (1773). Si l’orchestre est à même de mettre en relief l’intérêt de la partition, se pose une fois encore le problème des solistes vocaux. Elizabeth Calleo, on l’a déjà dit, a un timbre séduisant mais l’articulation n’est vraiment pas son point fort ; de jolis sons, mais trop peu de consonnes. Karim Sulayman confirme ses qualités, plus théâtrales que vocales, dans les rôles de ténor comique. Jeffrey Thomson, bien connu du public français, donne d’abord l’impression d’avoir renoncé aux outrances dont il est coutumier, mais il faut vite déchanter en entendant les cris d’orfraie dont il ponctue ses interventions. Chapeau bas en revanche pour Emiliano Gonzalez Toro, devenu le protagoniste indispensable de quantité d’intégrales baroques : même si Grétry n’a réservé aucun air au « Magnifique », son admirable prestation dans les ensembles rehausse considérablement le niveau de cet enregistrement. [Laurent Bury]
André-Ernest-Modeste Grétry, Le Magnifique, opéra-comique en trois actes, livret de Jean-Michel Sedaine, créé à la Comédie Italienne, Paris, le 4 mars 1773. 1 CD Naxos 8.660305 – 80 minutes