Au milieu d’une extraordinaire accumulation de toiles de Picasso et de Matisse, les visiteurs de l’exposition « L’Aventure des Stein » au Grand-Palais ont la surprise de découvrir une vidéo des dernières minutes de Four Saints in Three Acts (1934), opéra conçu – avant Porgy and Bess – pour une distribution entièrement noire, par l’Américain Virgil Thomson (1896-1989) sur un livret de Gertrude Stein. Avant même d’avoir rencontré l’écrivain en 1926, le compositeur avait déjà mis en musique son poème Susie Asado ; il devait ensuite en faire autant avec Preciosilla et Capital Capitals, entre autres. « Gertrude Stein trouvait la musique de Virgil Thomson très intéressante. Il avait compris Satie, évidemment, et il avait une compréhension très originale de la prosodie. Il comprenait assez bien l’œuvre de Gertrude Stein ; la nuit il rêvait qu’il y avait là encore des choses qu’il ne comprenait pas ; mais en somme il était déjà fort satisfait de ce qu’il comprenait. Elle s’amusait beaucoup d’entendre ses mots rehaussés par la musique. Elle et Virgil Thomson se voyaient très souvent », note Stein dans L’Autobiographie d’Alice Toklas. A la demande du compositeur, Gertrude Stein écrivit dès 1927 le livret de Four Saints in Three Acts, où elle évoquait Thérèse d’Avila, Ignace de Loyola et d’autres saints encore. Pour leur seconde collaboration, Stein prit pour sujet Susan B. Anthony, pionnière des droits des femmes ; elle termina le livret de The Mother of Us All peu avant de mourir, et l’opéra fut créé en 1947. Régulièrement reprises dans le monde anglo-saxon, les œuvres lyriques de Virgil Thomson sont rares dans l’hexagone. Four Saints in Three Acts fut donné au Théâtre des Champs Elysées en juin 1952, avec notamment la toute jeune Leontyne Price. Dommage que le Grand-Palais n’ait pas fait venir, en même temps que l’exposition, la production de cet opéra montée cet été par le San Francisco Museum of Modern Art. [LB]
