Après Versailles, Jonas Kaufmann poursuivait sa tournée à Baden-Baden où le public ravi de retrouver l’une de ses stars favorites s’est montré tout disposé à lui prêter une oreille des plus attentives. Le ténor, très en forme mais aussi très en beauté – mince et élégant – a fait preuve de la même implication dans l’univers mélancolique, désespéré et subtil de Mahler : technique dispensée avec une apparente facilité, phrases coulées dans un maillage très serré au nuancier richement coloré avec de longs moments littéralement en apnée. Il ne s’agit plus ici de gestion du souffle, cela relève de l’irréel. Et que dire des diminuendo, sinon qu’ils diffusent une douceur exquise. Bien entendu, la diction est parfaite et l’émotion transpire derrière chacun des affects exprimés. Son « Auf der Straße steht ein Lindenbaum » (sur la route se dressait un tilleul), en particulier, a été susurré dans un pianissimo frémissant et donc électrisant. Après un « Sextette » de Capriccio et une Sérénade de Dvořák (que le public, distrait et impatient de retrouver son ténor favori, applaudit aussi bien à la fin du 3e que du 4e mouvement sur les 5 que compte la partition), Jonas Kaufmann revient pour interpréter le seul « Träume » des Wesendonck-Lieder. Comment ne pas être frustré ? « Nous avions pris les billets avant de savoir qu’il passerait à Munich » grommèlent nos voisins venus tout exprès d’Ulm. Deux derniers lieder de Strauss, dont un sublime « Morgen » en apesanteur, offerts en bis, viennent les récompenser de leur peine. [Catherine Jordy]