Voilà dix ans déjà que l’Opéra de Lyon propose, à chaque retour du printemps, son festival sous forme de trois soirées d’opéra données en alternance. Après « Justice et injustice » en 2013 et le festival Britten de 2014, le thème choisi pour 2015 est celui des « Jardins mystérieux », avec, dans l’ordre des premières, Die Gezeichneten (1918) du Viennois Franz Schreker (1878-1934), Orfeo ed Euridice (1762) de Christoph Willibald von Gluck (1714-1787) et Sunken Garden (2013) du Néerlandais Michel Van der Aa (né en 1970).
Soit un opéra méconnu, Les Stigmatisés, selon l’adaptation usuelle du titre (Die Gezeichneten désigne en fait ceux qui sont « marqués » – par la vie, par le destin), donné pour la première fois sur une scène lyrique française, avec sa musique envoûtante et les abîmes de perversion que révèle son livret torturé, suivi d’un « classique » que chacun connaît ou croit connaître (Orphée et Eurydice ici dans sa version italienne première), et une création française du compositeur de After Life (2010), Le Jardin englouti, « film-opéra », présenté comme le deuxième volet d’un futur « triptyque pour le XXe siècle ».
Dans chacune de ces trois œuvres est posée la question du rapport entre l’art et la vie, entre le visible et l’invisible, entre la beauté et la laideur. Jardins secrets, marques et flétrissures, montées de sève et fleurs tôt fanées, – de la recherche de dépouillement d’un Gluck en quête de « belle simplicité » aux senteurs enivrantes mais mortifères de l’île onirique imaginée par Schreker jusqu’aux images en 3D du film projeté pendant l’opéra de Van der Aa –, tout concourt à multiplier les angles, à croiser les perspectives, les langues (allemand, italien, anglais), les mises en scène (David Bösch pour Schreker, David Marton pour Gluck).
À côté des lourds secrets des Stigmatisés (avec entre autres Charles Workman, Magdalena Anna Hofmann, Simon Neal) et des énigmes du Jardin englouti (avec Roderick Williams, Katherine Manley, Claron McFadden), Orphée et Eurydice réserve aussi son lot de mystères, dédoublant à l’affiche le rôle d’Orphée attribué à la fois au contreténor Christopher Ainslie et à la basse Victor Van Halem pour donner la réplique à Elena Galistkaya.
Opéra National de Lyon, du 13 au 29 mars 2015
Renseignements : http://www.opera-lyon.com/