Dans la série des rééditions de la rentrée, Sony Classical propose désormais en coffrets individuels le Ring dresdois de Marek Janowski enregistré pour Ariola-Eurodisc entre 1981 et 1983, après l’avoir proposé en coffret unique (compte rendu détaillé à lire ici).
Au diapason de ce qu’écrivait Christophe Rizoud en mai 2012, on a envie de réhabiliter ce Ring trop souvent décrié ou méprisé. Non qu’il s’agisse de transformer des vessies en lanternes, au sein d’une discographie comportant tant de versions à juste titres légendaires. Point de légende ici, encore moins de vertige cosmique. Pour cela, voyez Furtwängler, Böhm, Keilberth, Knappertsbusch, Krauss, Solti ou Karajan, pour ne prendre que les plus marquants. L’amateur sera même, par moments, confronté au reflet sans fard de ce testimonium paupertatis qu’était le chant wagnérien au début des années 80. Ainsi, le Siegfried de René Kollo, qui renvoie impitoyablement à une fable de La Fontaine où il est question de grenouille et de boeuf, la Brünnhilde de Jeannine Altmeyer, vite dépassée par les événements, ou le Wotan de Theo Adam, gris et élimé. Mais à côté, pourquoi faire la fine bouche face à la Sieglinde plantureuse et Jessye Norman, au Siegmund engagé et fort bien chantant de Siegfried Jerusalem, aux Hagen et Fafner luxueux de Matti Salminen, au Loge très fin diseur (ça compte!) de Peter Schreier, au Hunding opulent de Kurt Moll, à l’Alberich pénétré de Siegmund Nimsgern ? Quant aux seconds rôles, entre la Woglinde de Lucia Popp (la plus belle de la discographie avec Schwarzkopf ?) et l’Ortlinde de Cheryl Studer, l’auditeur y trouve aussi son compte.
Cette distribution n’a en définitive pas à rougir, loin s’en faut, au regard de ce qui se pratiquait à Bayreuth à la même époque (elle est globalement supérieure au Ring enregistré de Boulez, sans parler de celui, qui lui a succédé, de Solti) ou même de ce qui se trouve aujourd’hui sur certaines scènes prestigieuses (on renverra au Ring viennois de Thielemann…).
Non, ce qui manque en réalité à ce Ring, et constitue un handicap rédhibitoire, c’est surtout une direction d’orchestre digne de l’oeuvre. Celle de Marek Janowski est ici déséspérement plate et sans relief. On sera d’autant plus sévère qu’il dispose d’une phalange – la Staatskapelle de Dresde – pas avare de qualités intrinsèques. Surtout, le même chef, 30 ans plus tard, a su se montrer autrement plus inspiré à la tête des forces de la radio de Berlin, dans le cadre de son intégrale Wagner enregistrée pour Pentatone Classics. C’est donc plutôt là, on l’aura compris, qu’il faut aller découvrir sa vision du Ring.