Ce vendredi 26 août, dans la petite ville autrichienne de Schwarzenberg, le ténor britannique Ian Bostridge donne un récital entièrement consacré à Schubert, compositeur qu’il connaît particulièrement bien puisqu’il a consacré un volume entier au Voyage d’hiver, dans lequel il se livre à une minutieuse exégèse des poèmes de Wilhelm Müller. Accompagné par le pianiste (britannique) Julius Drake, il est chaleureusement applaudi au terme de son interprétation. Quand vient le moment des bis, il opte pour un ton plus léger, en chantant « La Truite ». Mais avant d’offrir un second bis, Ian Bostridge est coupé dans son élan par un septuagénaire à cheveux blancs, qui le prie « d’apprendre l’allemand » (Bitte Deutsch lernen). Stupeur et consternation. Nul n’ose intervenir. Le ténor chante son deuxième bis, après quoi il va chercher le perturbateur et lui demande de venir s’expliquer devant le public. L’homme dit quelques mots puis s’en va.
Quelle est la morale de cette histoire ? Les autres spectateurs auraient-ils dû tomber à bras raccourci sur l’individu ? Celui-ci avait-il au contraire le droit d’exprimer son opinion, dès lors qu’il avait payé sa place ? L’allemand d’Ian Bostridge est-il limpide et de qualité, ou au contraire marqué d’un accent anglais prononcé ? Les accents régionaux sont-ils tolérables lorsqu’on chante le lied, ou faut-il s’en tenir au Hochdeutsch ? Les chanteurs ne doivent-ils chanter que dans leur langue maternelle, comme certains, au bon vieux temps ? Chacun aura sans doute sa propre réponse à ces questions, la plus pressante étant peut-être celle qui donne son titre à cette brève.