Coproduite avec le Festival de Salzbourg où elle a été créée en 2017, la mise en scène de Wozzeck signée William Kentridge a reçu un accueil triomphal de la part du public du Metropolitan Opera ce samedi 11 janvier. Le réalisateur sud-africain a situé l’action à l’époque du premier conflit mondial au cours duquel Berg, alors soldat, poursuivait la composition de son œuvre commencée en 1912. Le décor, constitué d’un amoncellement de plateformes reliées par des passerelles instables, évoque le chaos d’une ville bombardée, impression renforcée par les images en noir et blanc projetées en permanence sur un cyclorama situé en arrière-plan, qui représentent des bâtiments détruits, des corps blessés, de cartes de batailles, des paysages ravagés et font écho aux films que Wozzeck montre sur un petit écran au capitaine durant le premier acte. Pas de scènes d’intérieur, toute l’action se déroule dans cet univers de fin du monde dont le climat étouffant est accentué par les masques à gaz que portent une partie des figurants, en particulier les danseurs dans la scène de l’auberge. Même l’enfant de Marie et Wozzeck est représenté par une marionnette avec un masque à gaz en guise de visage, une idée mal venue d’ailleurs car elle vide la scène finale de toute émotion.
La distribution d’une homogénéité parfaite est dominée par les deux interprètes principaux qui effectuent ici leur prise de rôles. Peter Mattei campe un Wozzeck hagard, dont les mouvements fébriles trahissent les angoisses. La voix est solide et bien projetée, le style toujours élégant, donne parfois l’impression qu’il chante un lied. Il confère à son personnage une véritable stature tragique sans se départir toutefois d’une certaine retenue. Elza van den Heever propose une incarnation pleinement aboutie de Marie dont elle traduit admirablement les multiples affects, la tendresse, la coquetterie, la peur avec une voix pleine, un timbre captivant et un aigu cristallin. A leurs côtés les autres protagonistes ne déméritent pas. Christian van Horn est un médecin sarcastique au timbre de bronze. Doté d’une voix robuste, Christopher Ventris incarne un Tambour-major viril à souhait tandis que Gerhard Siegel campe un capitaine timoré en émaillant son chant de quelques aigus émis en voix de fausset. Soulignons également les belles prestations d’Andrew Staples qui faisait ses débuts au Met dans le rôle d’Andrès et de Tamara Mumford, impeccable Margret.
Accueilli au rideau final par une belle ovation du public, Yannick Nézet-Seguin qui excelle à faire ressortir la complexité de cette musique, propose une direction fluide et transparente avec des tempos alertes et un souci permanant du détail.
Le samedi 1er février le Metropolitan Opera diffusera dans les cinémas du réseau Pathé Live Porgy and Bess de George Gershwin.