Agrippine © DR
Hasard du calendrier, Agrippina, le premier chef-d’œuvre lyrique de Haendel, sera à l’affiche deux soirs de suite dans la capitale française : salle Pleyel, le 14 mai, et au Théâtre des Champs-Elysées, le lendemain. Deux chefs, deux plateaux, deux approches sensiblement différentes, n’en doutons pas, et pour commencer deux partitions distinctes, car il y a fort à parier que René Jacobs reprendra l’édition qu’il a lui-même établie et utilisée pour l’enregistrement sorti il y a deux ans chez Harmonia Mundi. Ses choix prétendent renouer avec les premières intentions du compositeur sacrifiées sur l’autel du chant. L’ancien contre-ténor privilégie la cohérence dramaturgique et son interprétation investit davantage les récitatifs que les airs dont certains passent d’ailleurs à la trappe, une option qui pourrait s’avérer délicate dans la version de concert que la salle Pleyel s’apprête à accueillir. Le Gantois retrouvera l’Akademie für Alte Musik Berlin et les principaux interprètes du disque : Alexandrina Pendatchanska (Agrippina), Sunhae Ihm (Poppea), Bejun Mehta (Ottone), Jennifer Rivera (Nerone) et Marcos Fink (Claudio), un quintette au sein duquel, en studio, seul le falsettiste tirait son épingle du jeu. Au Théâtre des Champs-Elysées, Eduardo López Banzo dirigera son ensemble Al Ayre Espanol, qui fête cette année son vingt-cinquième anniversaire, et Ann Hallenberg (Agrippina), Maria Espada (Poppea), Carlos Mena (Ottone), Vivica Genaux (Nerone) et Luigi De Donato (Claudio). Entre la mezzo suédoise, une habituée du rôle-titre qu’elle défendait encore avec brio en début de saison à l’Opéra des Flandres (voir recension), et le soprano tranchant et glacial de Pendatchanska, nous n’hésiterions pas une seconde. Mais puisque la programmation ne nous contraint pas à choisir, pourquoi se priver de la théâtralité exacerbée de Jacobs et des trésors de sophistication qu’il déploie dans cette irrésistible comédie de mœurs ? [Bernard Schreuders]