De son Canada natal aux plus grandes scènes internationales, il y a une voix – ce timbre rare de contralto, androgyne, sombre, voluptueux – et une passion, celle de la musique qui pousse Maureen Forrester à travailler, dès l’âge de treize ans, comme secrétaire afin de pouvoir payer ses leçons de chant (pour l’anecdote, elle chanta comme soprano jusqu’à l’âge de 17 ans). Dix ans plus tard, en décembre 1953, elle fait ses débuts avec l’Orchestre symphonique de Montréal dans la 9e Symphonie de Beethoven dirigée par Otto Klemperer. 1953, l’année de la mort de Kathleen Ferrier : comment ne pas voir dans cette coïncidence un passage de relais. C’est d’ailleurs la symphonie no 2 Résurrection de Gustav Mahler, ouvrage dans lequel Ferrier excella, qui lance la carrière de Forrester en 1956 à New York. L’opéra viendra après : 1961, un premier Orfeo de Gluck à Toronto, le triomphe de Cornelia dans Giulio Cesare en 1966 au New York City Opera, et surtout à partir des années 1970, ces rôles qui marquent la différence entre alto et contralto : Fricka, Erda, Brangäne, Clytemnestre, Mme de Haltière, Mme de Croissy, La Cieca, Ulrica, Mistress Quickly, etc. Tous les répertoires : allemand, français, italien et plus encore, la musique sacrée de Monteverdi, les oratorios de Haendel, les comédies musicales et même la pop ! Souvent acclamée comme l’un des plus grands contraltos au monde, elle demeure toujours fidèle à son pays d’origine, créant de nombreux ouvrages de musique canadienne et occupant diverses fonctions au sein d’institutions nationales (présidente nationale des JMC, membre du conseil d’administration du Centre national des Arts, directrice fondatrice du Comus Music Theater…). Au disque, si ces enregistrements d’opéras baroques, bien que remarquables, appartiennent à une autre époque, elle s’avère incontournable dans Mahler – Das Lied von der Erde (Walter, 1960), Kindertotenlieder (Munch, 1958). Clarté, puissance, souplesse, musicalité sont les termes le plus souvent employés pour caractériser sa voix. Atteinte de la maladie d’Alzheimer, Maureen Forrester s’est éteinte doucement le 16 juin à l’âge de 79 ans.