Retour sur quelques-uns des temps forts d’une année 2014 qui, à l’exemple des précédentes, fut riche d’émotions, de surprises et parfois aussi de déconvenues.
Janvier 2014 : Sabine Devieilhe dans Lakmé à l’Opéra-Comique s’impose comme la nouvelle soprano colature française de sa génération, vingt ans après le triomphe de Natalie Dessay dans ce même rôle sur cette même scène. A quelques encablures, Roberto Alagna reprend avec brio des mains de Jonas Kaufmann le flambeau de Werther. Palerme lance les festivités autour du 150e anniversaire de la naissance de Richard Strauss avec une nouvelle production du rare Feuersnot. La disparition, à 80 ans, de Claudio Abbado assombrit la fin du mois.
Février 2014 : Annick Massis et Patrizia Ciofi délivrent en alternance, chacune avec les qualités qui leur sont propres, une interprétation mémorable de La Sonnambula à Barcelone. Dans Lucia di Lammermoor à Marseille, l’annulation d’Eglise Guttierez vaut à la soprano tchèque Zuzana Markovà de faire des étincelles. Ludovic Tézier continue de fasciner dans La Favorite à Toulouse. L’Opéra de Versailles célèbre le 250e anniversaire de la mort de Jean-Philippe Rameau en accueillant la résurrection des méconnues Fêtes de l’Hymen et de l’Amour. L’enregistrement des Nozze di Figaro par Teodor Currentzis soulève un enthousiasme que Cosi fan tutte en fin d’année fera retomber comme un soufflé.
Mars 2014 : Le décès de Gérard Mortier donne lieu à une série d’hommages dont le principal intéressé aurait été le premier surpris. Abdellah Lasri éblouit dans Werther à Saint-Etienne. Sous l’impulsion du Palazzetto Bru Zane, Karine Deshayes enregistre des cantates françaises inédites. Après avoir sauvé, le mois précédent, le gala Verdi de Baden Baden, Angela Gheorghiu revigore La Bohème à l’Opéra de Paris.
Avril 2014 : Avec le rôle de Desdemona dans Otello de Rossini au Théâtre des Champs-Elysées, Cecilia Bartoli effectue son grand retour sur une scène d’opéra parisienne. Max Emanuel Cenčić et Xavier Sabata brillent au firmament de l’enregistrement de Tamerlano. Un album d’airs d’opéra français témoigne de l’évolution vocale de Juan Diego Flórez. Interrogé, le ténor confirme : « Ces rôles en français, aujourd’hui c’est ma voix qui les veut ».
Mai 2014 : Un mois jour pour jour après son triomphal Voyage d’Hiver au Théâtre des Champs-Elysées, Jonas Kaufmann foule pour la première fois les planches de l’Opéra Royal de Versailles. Et c’est un nouveau triomphe pour celui qui s’impose définitivement comme le ténor le plus adulé du moment. Avec Tancredi au Théâtre des Champs-Elysées, Marie-Nicole Lemieux réussit son passage au Rossini serio. Franco Fagioli dans La clemenza di Tito à Nancy démontre que le rôle de Sesto peut aussi être interprété par un contre-ténor.
Juin 2014 : Dans La traviata à l’Opéra de Paris, Diana Damrau divise la critique. Le niveau du Concours Reine Elisabeth s’avère supérieur à celui des éditions précédentes. A l’issue d’une campagne de mécénat participatif (Kiss Kiss Bank Bank), Forumopera.com lance sa nouvelle formule. Le succès est au rendez-vous : le nombre de lecteurs augmente jusqu’à franchir le cap des 100.000 lecteurs par mois en fin d’année.
Juillet 2014 : Olga Peretyatko pousse un coup de gueule contre les intermittents qui ont empêché la première représentation d’Il turco in Italia à Aix-en-Provence mais c’est La Flûte enchantée, avec le très prometteur Stanislas de Barbeyrac en Tamino, qui fait un tabac. La mort de Carlo Bergonzi et de Lorin Maazel endeuillent un été pluvieux.
Août 2014 : tous les projecteurs sont braqués sur Salzbourg où, dans Il Trovatore, Anna Netrebko interprète une Leonora souveraine. Le premier Otello de Roberto Alagna, à Orange, suscite la controverse. Un mois avant Paris, Pesaro s’entiche du Figaro de Florian Sempey. Amorcée par un rare Christophe Colomb de Félicien David, la 21e édition du Festival Berlioz s’achève avec une version de concert de La Damnation de Faust qui réunit trois chanteurs d’exception dans ce répertoire (comme dans d’autres) : Michael Spyres, Nicolas Courjal et Anna Caterina Antonacci. Cecilia Bartoli dévoile le thème d’un nouvel album qui l’amènera à la nage jusqu’à Saint-Pétersbourg.
Septembre 2014 : Prélude à une crise culturelle qui va gangrener les derniers mois de l’année, Riccardo Muti claque la porte de l’Opéra de Rome et Franz Welser-Möst celle de l’Opéra de Vienne. Jonas Kaufmann tente de conjurer la morosité ambiante en consacrant un album à la musique légère allemande. A Anvers puis Gand, Irène Theorin prouve qu’il y a une Elektra possible après celle de Patrice Chéreau au Festival d’Aix l’année précédente. Bordeaux est le premier opéra national français en région à retransmettre une œuvre lyrique – La Bohème – en direct dans les salles de cinéma. Magda Olivero nous quitte « dans un souffle ».
Octobre 2014 : Une pétition circule pour que Joyce DiDonato, encore auréolée du succès de son album Stella di Napoli, chante l’hymne américain aux World series. Anita Cerquetti meurt à Pérouse. La nouvelle production de Tosca à l’Opéra de Paris vaut davantage pour ses interprètes masculins – Marcelo Alvarez et Ludovic Tézier, même souffrant – que pour sa mise en scène. Dans le rôle-titre, trois sopranos se succèdent sans qu’aucune ne rallie tous les suffrages. Pendant ce temps, San Francisco découvre, subjugué, en Lianna Haroutounian la Tosca qu’il aurait peut-être fallu à Paris.
Novembre 2014 : Renée Fleming annonce son prochain retrait des scènes lyriques et, pour marquer sa volonté de prendre ses distances avec l’opéra, propose en guise de nouvel album une compilation d’arrangements inédits de titres jazzy. L’Opéra-Comique fête ses trois-cents ans. Avec Siroe, Max Emanuel Cencic poursuit, en CD et sur scène, ce qui s’apparente à une entreprise de réhabilitation de Hasse. Après avoir chanté Escamillo à New York, Ildar Abdrazakov interprète dès le lendemain à Paris des extraits d’Attila de Verdi, suivis immédiatement d’une une série de représentations concertantes de Moïse et Pharaon à Marseille. Jonas Kaufmann monopolise toutes les attentions avec, d’une part sa participation au film de Michael Sturminger, Casanova variations, d’autre part, son retour à Munich dans Manon Lescaut, finalement sans Anna Netrebko mais, comme à Londres cinq mois auparavant, avec Kristine Opolais.
Décembre 2014 : Tandis que Stéphane Degout s’encanaille dans La Chauve-Souris à l’Opéra-Comique, Nina Stemme et Stephen Gould forment un couple proche de l’idéal dans Tristan und Isolde à Londres. Dans Fidelio en ouverture de saison de La Scala comme dans Favorites, son enregistrement d’airs d’opérette en milieu d’année, Klaus Florian Vogt ne fait pas l’unanimité. Le projecteur lyrique se déporte vers la Belgique où Don Giovanni mis en scène à Bruxelles par Krzysztof Warlikowski rate son coup. Sous le feu des critiques, Ludovic Morlot démissionne de son poste de chef permanent de l’Orchestre du Théâtre royal de La Monnaie. Sans lien de cause à effet, Peter de Caluwé présente quelques jours après le plan d’austérité auquel le contraint le gouvernement belge. En remportant un triomphe mérité dans Luisa Miller à Liège, après avoir en moins de 12 mois aligné l’Otello de Rossini puis celui Verdi et ajouté Manrico à son répertoire, Gregory Kunde referme l’année sur une note glorieuse.