A une époque où l’image prédomine, est-il possible de faire abstraction de l’embonpoint des chanteurs ? On aimerait pouvoir l’affirmer. Un récent commentaire sur la prise de poids d’Angel Blue rappelle que la question est – hélas – d’actualité. A la recherche de vérité théâtrale, les metteurs en scène ont imposé leur diktat. Désormais, l’apparence des interprètes l’emporte parfois sur la voix. Une absurdité dans ce monde de l’artifice qu’est l’opéra. Il n’empêche que les critiques puis le public se sont engouffrés dans la brèche. Sur Twitter, la soprano colorature, Kathryn Lewek, actuellement Eurydice dans Orphée aux Enfers à Salzbourg, exprime son découragement : « Pourquoi est-il nécessaire de commenter dans la même phrase le corps d’une femme et ses notes aiguës ? J’ai fait l’erreur de lire certaines critiques aujourd’hui (heureusement, tout le monde aime la production) mais voir des commentaires sur mon corps me déprime ! ». De tels propos ne laissent pas indifférente Jessica Pratt, victime de la même discrimination : « Je suis vraiment désolée. L’une de mes pires critiques provient de Londres : ‘’Le costume étincelant qui donnait un glamour de patineuse sur glace à Diana Damrau prend dans la silhouette plus ample de Pratt un air de babiole de Noël‘’. J’ai également un critique italien qui se plaint de mon corps et me conseille de faire un régime ». Un dialogue, édifiant, s’engage en ligne entre les deux cantatrices :
– OMG (ndlr : Oh mon Dieu !). C’est horrible. C’est littéralement incroyable ce que ces gens s’autorisent à publier ! #nofilter sauf que leur rédacteur en chef devrait être leur filtre.
– Totalement d’accord ! Juste des personnes méchantes et frustrées. Je peux comprendre un commentaire sur Traviata si je ne semble pas mourir, mais pourquoi la Reine de la nuit devrait-elle ressembler à un top model ? Ou Norma ou Semiramide, etc. Il existe plus d’un type de corps dans le monde et il est indispensable de passer outre la question.
Puissent-elles être entendues ! Nous risquons sinon de passer à côté d’interprètes aussi exceptionnels que le furent à une époque moins discriminatoire Luciano Pavarotti ou Montserrat Caballé.