Pas le temps pour une thalasso ? Plongez dans La Resurrezione : le second oratorio italien de Haendel (1708), pour peu qu’il soit bien servi, s’apparente à un vrai bain de jouvence ! La dixième édition du KlaraFestival ne pouvait rêver plus belle apothéose ni, d’ailleurs, écrin plus flatteur que la Salle Henry Le Boeuf du Palais des Beaux-Arts de Bruxelles.
Un ange affirme le pouvoir du Christ de sauver les âmes de l’Enfer et affronte les rodomontades de Lucifer alors que sur terre, Marie Madeleine et Marie-Cléophas, affligées, sont consolées par saint Jean qui leur annonce la résurrection au troisième jour. Sur cette trame tout sauf dramatique, Carlo Sigismondo Capece réussit à trousser une narration enlevée et très efficace dont le jeune Saxon se saisit avec hardiesse et en déployant un fabuleux sens de la couleur. Le Cercle de l’Harmonie, qui accueille des solistes de la trempe de Juan Manuel Quintana (viole), ne renoue pas pour autant avec les fastes sonores de la création (29 musiciens pour les 49 réunis sous la conduite de Corelli). Cependant, René Jacobs sait en travailler la pâte sensuelle et magnifier des alliages de timbres formidablement expressifs. S’il cède à son goût pour la harpe (rien moins que celle de Mara Galassi), le chef résiste à celui de la dissection et ne surinvestit jamais une partition qui n’en a nul besoin. Sophie Karthäuser hérite de Madeleine, partie écrite sur mesure pour Margherita Durastanti (future Agrippina), sans doute la plus riche et la plus fouillée (cinq airs au lieu de trois ou quatre pour ses partenaires). Elle en exalte les affects mais lui apporte également cette touche de fantaisie, ce supplément d’imagination qui forge une interprétation mémorable.
Familière du rôle de Cléophas, Sonia Prina excelle toujours dans la bravoure et subtilise ses clairs-obscurs, rivalisant de délicatesse avec le disciple aimant de Jeremy Ovenden (saint Jean). Le Lucifer superbement timbré de Johannes Weisser est la séduction même et assume moins son côté bouffe, comme s’il espérait fléchir l’Ange si frais, mais néanmoins combatif de la délicieuse Sunhae Im. « Beter laat dan nooit ! » (« Mieux vaut tard que jamais ! ») s’exclame René Jacobs lorsque, à l’issue du concert, il reçoit des mains de la ministre Joke Schauvliege le Cultuurprijs Muziek van de Vlaamse Gemeenschap, récompense que la Communauté flamande de Belgique décerne à « une figure extraordinaire dans notre univers musical ». Fêté et recherché sur la scène internationale depuis des lustres, le Gantois estime avoir été trop longtemps négligé dans sa patrie et en a conçu une amertume apparemment tenace… [Bernard Schreuders]