Alors que 2019 égrène ses dernières heures, retour mois par mois sur une année riche en anniversaires. L’occasion de se remémorer ses grands événements musicaux et les articles les plus plébiscités par nos lecteurs.
Janvier 2019
Avec deux productions polémiques et les premières suppositions concernant son nouveau directeur, l’Opéra de Paris inaugure sa 350e année avec fracas. Le retour sur scène des Troyens, revus et corrigés par Dmitri Tcherniakov et dirigés par Philippe Jordan, ne s’est pas contenté des huées du soir de la première : il a ébranlé durant tout le mois de janvier la lyricosphère qui a adoré le détester. Sans déchaîner autant les passions, le Primo omicidio de Scarlatti à la sauce Castellucci a lui aussi provoqué son lot de réactions mitigées. Un début d’année chargé aussi bien à Garnier qu’à Bastille – dont le bâtiment fêtait sa trentième année d’existence –, bientôt suivi par le feuilleton à rebondissements de la nomination d’Alexander Neef.
Un vieux monsieur de 350 ans, l’Opéra de Paris ?
Février 2019
Si le mois de février a vu sur scène les très rares Finta pazza et Divisione del mondo, ou encore les récitals remarqués de Yusif Eyvazov et Vivica Genaux, ce ne sont pas les spectacles qui ont le plus retenu l’attention des lecteurs de notre site. Ils passeraient presque inaperçus alors que Jonas Kaufmann domine l’actualité avec deux brèves en quelques jours, annonçant l’acte III de Tristan pour 2020 et faisant entendre sa maîtrise de la voix de tête dans la Barcarolle des Contes d’Hoffmann ! A ses côtés, les espoirs d’entendre Anna Netrebko à Bordeaux et à Paris, les adieux d’Edita Gruberova à Lucia et les diverses annulations de Bryan Hymel : l’actualité lyrique revêt bien des formes, et ne se limite décidément pas à des comptes rendus et à des interviews.
La preuve – s’il en fallait une – qu’à l’opéra le spectacle n’est pas seulement dans la salle…
Mars 2019
Que de ténors pour un seul mois ! Et quels ténors ! Mars guette fébrilement la présence de Jonas Kaufmann dans La Forza del destino à Londres et s’inquiète pour sa santé ; Roberto Alagna montre des signes de fatigue dans Otello à Bastille et Aleksandrs Antonenko se voit contraint de renoncer à Samson à New York… Chanter chaque jour à l’opéra ? « Mais le gosier le plus flexible / Ne peut résister à cela ! » nous rappelle Saint-Phar dans Le Postillon de Lonjumeau. Tout auréolé de gloire, le ténor n’en est pas moins un homme : notre empathie et notre bienveillance devraient être à la hauteur de l’admiration que nous leur portons. Heureusement, de belles nouvelles viennent aussi parsemer le mois : le triomphe de Javier Camarena en Tonio au Metropolitan, le retour sur cette même scène de Gregory Kunde après douze ans d’absence, et même un nouveau-né dans la famille Kaufmann !
Décidément… On ne peut pas résister à un ut !
Avril 2019
Avril voit la France sous le coup de l’émotion après l’incendie qui a ravagé Notre-Dame de Paris, nous rappelant que les chefs-d’œuvre du passé eux aussi sont fragiles et en péril. Un rappel également qu’il convient de saisir la beauté lorsqu’elle nous vient : une Semiramide fabuleuse enregistrée par Mark Elder, le retour du Postillon de Lonjumeau salle Favart, une Damnation de Faust à l’affiche éblouissante, le duo Bernheim et Sierra à Bordeaux, un premier des Grieux superlatif pour Juan Diego Flórez, un Reinoud van Mechelen stupéfiant d’émotion en Evangéliste… Avril est le triomphe de la voix, qui vient mettre un peu de baume au cœur des auditeurs.
Pour mieux sécher mes pleurs, que ta voix parle encore…
Mai 2019
C’est en mai 1999 que Camille De Rijck inaugurait un site qui, s’il a évolué par sa forme au gré des mutations d’internet, demeure un repère favori des lyricomanes. Riche de multiples métamorphoses et de rédacteurs passionnés qui ont donné de leur temps et de leur plume tout au long de ces deux décennies d’existence ; riche de comptes-rendus, brèves et dossiers en tous genres ; riche enfin de lecteurs qui permettent à Forum Opéra de poursuivre son chemin avec toujours plus de succès. Un grand merci à tous !
Nous n’avons encore que vingt ans… mais sommes prêts à continuer vingt ans de plus ! La preuve ? Nos rédacteurs n’ont pas cessé de parcourir l’Europe : une belle Walkyrie napolitaine, le Chénier londonien de Roberto Alagna, une Femme sans ombre viennoise à la formidable distribution ou un Vaisseau fantôme berlinois… L’aventure se poursuit !
Juin 2019
Il n’en est pas fini des anniversaires pour 2019, loin de là : un 20 juin il y a 200 ans naissait notre Jacques Offenbach national… à Cologne ! L’occasion de (ré)entendre les chefs d’œuvre du roi de l’opérette mais aussi des raretés : Les voyages de MM. Dunanan père et fils, Maître Peronilla, Pomme d’Api, ou encore le retour de Madame Favart à l’Opéra Comique ont réjoui les oreilles des auditeurs en ce bicentenaire. Autant de bulles de champagne distillées tout au long de l’année, accompagnées d’un dossier consacré au compositeur mettant en lumière son goût éclectique pour la légèreté et le sérieux, le burlesque et l’héroïque, la tradition et la parodie, et toutes les formes d’entre-deux.
Un anniversaire dignement fêté, mais assombri par la disparition de Franco Zeffirelli, metteur en scène de légende dont les productions n’ont pas fini d’occuper la scène.
Juillet 2019
L’été revient comme chaque année avec son lot de festivals, dont certains sortent l’opéra de la salle de concert – et de son confort. Un décor enchanteur ne suffit certes pas à adoucir les exigences du public, ce dont le festival d’Aix-en-Provence a fait les frais avec un Requiem de Mozart et une Tosca dont les mises en scène ont provoqué des critiques véhémentes. Mais l’extérieur et le ciel étoilé ont évidemment leur magie, comme en témoignent un très beau Guillaume Tell à Orange, un Rigoletto à Bregenz avec sa marionnette monumentale, ou encore des Noces de Figaro au cœur des jardins de l’Alhambra. Difficile malgré tout d’éviter les caprices météorologiques, comme lorsque l’orage s’invite au milieu des Indes Galantes : en juillet, la nature reprend ses droits sur l’opéra !
Août 2019
Dans la série des anniversaires – on vous l’avait dit, 2019 fut une année festive ! – citons également les 150 ans de la mort d’Hector Berlioz. Si les hommages ont été nombreux, le mois d’août a connu deux soirées mémorables – un Benvenuto Cellini dirigé par John Eliot Gardiner offrant une leçon de chant berliozien en la personne de Michael Spyres, et un Roméo et Juliette sous la baguette inspirée de Valery Gergiev – ainsi que la parution d’une Damnation de Faust dirigée par Simon Rattle et d’une Mort de Cléopâtre où éclot le talent de Lucile Richardot. Un mois faste donc, qui offre plusieurs versions de référence à la discographie.
« Mais révère en ton cœur et garde en ta mémoire / Et d’Enée et d’Hector les exemples de gloire » écrivait Berlioz : les artistes étrangers rendent en tout cas un bel hommage à un génie français en attendant, qui sait, son entrée au Panthéon ?
Septembre 2019
Tout pluriséculaire qu’il est, l’opéra n’a pas oublié en ce mois de septembre de plonger à pieds joints dans la modernité. Avec une Traviata à l’ère des réseaux sociaux, des Indes Galantes à la sauce voguing, un Don Carlos en hôpital psychiatrique et un Idoménée transposé comme il se doit, les metteurs en scène nous rappellent – s’il en était besoin – à quel point l’opéra peut être brûlant d’actualité et miroir de notre temps. Que cela plaise ou déplaise, l’art lyrique ne semble pas avoir épuisé l’intérêt que les metteurs en scène lui portent – et c’est au moins une bonne nouvelle. Mais il se révèle aussi de son temps lorsqu’il est frappé par les débats qui agitent le monde contemporain, tels que les accusations portées à l’encontre de Placido Domingo, entraînant le chanteur à renoncer à se produire sur le sol américain dans Macbeth. L’opéra, un art définitivement 2.0.
Octobre 2019
Il est des mois où le sort semble s’acharner : octobre est de ceux-là, voyant disparaître trois grands noms de la scène lyrique. Le décès de Jessye Norman a ému la planète comme rarement lorsqu’une grande voix s’éteint. De la Marseillaise, la mort de Didon, les gospels enflammés ou son Elisabeth chez Wagner, chacun choisira sa madeleine. Nous ont quittés également Rolando Panerai – formidable Taddeo au disque auprès de l’Italienne de Teresa Berganza – et Marcello Giordani, ténor aux moyens éblouissants.
C’est sans conteste toujours une grande tristesse de perdre ces figures qui, au fil des concerts et des enregistrements, ont accompagné d’une manière ou d’une autre des moments de notre vie. Octobre fut donc, en quelque sorte, le mois des souvenirs et du temps qui passe.
Novembre 2019
En moins d’une semaine, l’actualité de notre site s’est trouvée bousculée par deux spectacles aux propositions dramaturgiques diamétralement opposées, et qui ont déchaîné les passions des lecteurs. D’un côté des Noces de Figaro vues par le cinéaste James Gray, partisanes d’un classicisme et d’une tradition comme on n’en voit plus guère sur nos scènes ; de l’autre un Prince Igor par Barrie Kosky, résolument ancré dans le monde contemporain et assumant un propos politique. Nous voici à une époque charnière pour les metteurs en scène, mus par leur désir de réinvention mais se heurtant aux résistances d’une partie du public. Si la question n’est pas tout à fait nouvelle, le hasard de la programmation des scènes parisiennes a pourtant fait surgir à cette occasion un débat d’une rare violence sur notre forum.
Après prima la musica ou prime le parole et après la querelle des Bouffons, peut-être la mise en scène sera-t-elle le sujet de la nouvelle grande querelle de l’opéra ?
Décembre 2019
Grèves obligent, la vie musicale s’est vue perturbée et ralentie en ce mois de décembre. Annulations en série – notamment à l’Opéra de Paris –, salles moins remplies, inquiétudes et attente ont été le lot de cette fin d’année, assombrie également par le décès du ténor Peter Schreier, fervent interprète de Bach aussi bien que de Mozart et de Lieder.
Heureusement, de magnifiques spectacles viennent illuminer ces temps troublés : un Fortunio plein de poésie à l’Opéra Comique, un Pirata à Madrid au casting éblouissant, le triomphe de Jonas Kaufmann dans Die tote Stadt à Munich… Quant aux malheureux lyricomanes immobilisés loin des salles de concert, ils ont pu se consoler en retrouvant, au DVD, L’Enlèvement au sérail mythique de Giorgio Strehler et en lisant les lettres de Maria Callas rassemblées par Tom Volf.
En attendant de voir ce que l’année 2020 nous réserve, belle fin d’année à tous !