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Pourquoi « Vittoria ! » dans Tosca ?

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Actualité
29 août 2016

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A partir du 17 septembre, les murs de l’Opéra Bastille retentiront du retentissant « Vittoria ! » lancé à plein poumon au deuxième acte de Tosca par Mario Caravadossi. Mais connaissez-vous précisément les circonstances de cet enthousiasme patriotique ?

Rappelons brièvement l’intrigue de l’opéra. Mario Cavaradossi est en train de peindre une madone dans une église quand il tombe sur Cesare Angelotti qui vient de s’enfuir des prisons du baron Scarpia, chef de la police. Il l’aide en lui indiquant une cachette dans sa villa. Floria Tosca vient lui faire une scène de jalousie qui se transforme en duo d’amour, mais Mario ne lui dit rien de ces événements. Scarpia fait irruption dans l’église à la recherche de l’évadé. Grâce à quelques indices, il reconstitue l’évasion et instille la jalousie chez Tosca. A l’acte suivant, Scarpia se réjouit d’avance du succès de son plan : il supprimera Cavaradossi et forcera Tosca à se donner à lui. Mario est envoyé à la torture et Tosca dévoile l’endroit de la cachette pour mettre fin à ses souffrances. Mario est ramené sur un brancard quand on apprend que la défaite des Autrichiens devant les Français. Mario se relève et lance le « Vittoria » tant attendu. Le jeune homme éloigné, Scarpia propose à Tosca une fausse exécution en échange d’une nuit d’amour. Elle fait semblant d’accepter mais tue son tourmenteur. Au dernier acte, Floria annonce la nouvelle à Mario mais Scarpia s’est joué de la jeune femme : l’exécution est bien réelle et Tosca découvre avec horreur la mort de son amant. Elle se suicide en se jetant du sommet du Château Saint-Ange.

Quels sont les crimes d’Angelotti ? Pour le comprendre, il faut revenir à la pièce de Victorien Sardou dont les librettistes de Puccini n’ont retenu que l’essentiel pour une efficacité dramatique maximale. L’action de Tosca s’étend sur 18 heures, entre les 17 et 18 juin 1800, à Rome. A cette époque, l’Italie est divisée en de multiples royaumes, républiques et états indépendants. Dans l’attente de l’élection d’un nouveau pape, Rome est administrée par le Royaume de Naples et Sicile où règne Marie-Caroline d’Autriche, sœur de Marie-Antoinette, dont on devine qu’elle n’est pas particulièrement favorable aux idées nouvelles. La reine est très liée à la célèbre Lady Hamilton (on parle même d’une relation lesbienne), femme de l’ambassadeur britannique, future maîtresse de l’amiral Nelson, et qui débuta à Londres à 15 ans en tant que prostituée. Tous ces détails sont historiques. Le crime d’Angelotti (dans la pièce) n’est pas tant d’être un républicain que d’avoir osé révéler une ancienne liaison « tarifée » avec celle qui allait devenir Lady Hamilton.

Comment Mario est-il amené à peindre dans une église ? Cavaradossi est né en France où il a longtemps vécu. Son père fréquentait Diderot et D’Alembert. Le jeune homme a étudié la peinture avec David. C’est en venant à Rome pour régler la succession de son père qu’il est tombé amoureux de la cantatrice Floria Tosca. Considéré comme un dangereux libre-penseur, il s’est proposé pour exécuter gratuitement un tableau pour l’église Sant’Andrea al Quirinale, ceci afin de détourner les soupçons. Mario fait donc partie de ces intellectuels européens épris de liberté qui (à l’instar de Beethoven pour ne citer qu’un exemple illustre) pensaient que l’armée révolutionnaire française allait rendre sa liberté à leurs patries doublement frappées par une occupation étrangère et des régimes liberticides.

Qu’en est-il de Melas et de la vraie-fausse défaite de Bonaparte ? Quelques années auparavant, la révolution française a lancé une armée contre l’Italie afin d’y renverser les familles royales qui les gouvernent et d’instaurer le système républicain. Mais la troupe n’a pas fait d’étincelles : en juin 1800, Masséna et une partie de l’armée d’Italie sont même assiégés dans Gênes par le feld-maréchal Melas à la tête de l’armée autrichienne. Revenu d’Egypte, Bonaparte est appelé pour redresser la situation. Après plusieurs jours de manœuvres, l’affrontement décisif se tient près de Marengo, petit village du Piémont, le 14 juin 1800, quelque temps avant les événements de Tosca. La bataille dure plusieurs heures. Bonaparte envoie les troupes de Desaix à la poursuite de Melas que l’on pense en fuite. En fin de journée, la victoire autrichienne semble inéluctable. Des coursiers partent déjà annoncer la nouvelle vers les divers territoires italiens. A 17 heures, Desaix revient sur le champ de bataille avec des troupes fraîches : pressentant (fort justement) une ruse du vieux maréchal autrichien, il a désobéi à Bonaparte et n’a pas poursuivi Melas. Il déclare à Napoléon : « Cette bataille est perdue. Cependant, nous avons encore le temps d’en remporter une autre ». Il mourra au combat. Bonaparte arrangera l’histoire pour accréditer l’idée d’une stratégie parfaitement planifiée. 

Ce retournement est un ressort essentiel du drame. Au premier acte de Tosca, les paroissiens et clercs de l’église Sant’Andrea préparent un Te Deum en l’honneur de la victoire des troupes autrichiennes sur les « impies » français. Apprenant la présence sur les lieux de Cavaradossi, Scarpia l’a qualifié de « voltairien » (ce qui s’explique au regard du passé que lui invente Sardou). On apprend qu’une nouvelle cantate sera donnée devant la reine pour fêter cet événement, et chantée par Floria Tosca (Sardou fait de Giovanni Paisiello, à qui l’on doit le premier Barbiere di Siviglia, l’auteur de celle-ci). Au deuxième acte, on entend au loin la musique de la cantate tandis que Scarpia questionne Mario avant de le soumettre à la « question ». Alors qu’il vient d’être ramené sanglant de la chambre de torture, Mario entend un court dialogue entre Scarpia et son sbire Spoletta : « Bonaparte est vainqueur ! Melas ? Melas est en fuite ! ». La victoire autrichienne s’est transformée en défaite. Il se redresse et chante son hymne à la liberté : « Victoire ! Victoire ! Luis enfin, jour vengeur ! Aube des temps nouveaux, Liberté sainte, Fais pâlir les bourreaux ! ». Au positif, Mario ne vivra pas pour voir Napoléon trahir ses idéaux révolutionnaires en annexant l’Italie !

Pour être complet, précisons que le « Poulet à la Marengo » fut composé au soir de la bataille par le cuisinier de Bonaparte, pour accommoder les maigres provisions qu’il avait pu réunir : trois œufs , quatre tomates, six écrevisses et un poulet ! Ce plat n’est malheureusement pas disponible aux entractes.

 

 

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