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Nabucco donne vie à Nabuchodonosor II

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Actualité
7 mai 2018
Nabucco donne vie à Nabuchodonosor II

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Le personnage de Nabucco (abréviation de Nabuccodonosor qui devait être le titre original de l’opéra) que met en scène Verdi dans son premier succès marquant n’a en réalité que peu à voir avec Nabuchodonosor II, roi de Babylone.

D’une part l’histoire proposée à Verdi par son librettiste Temistocle Solera entre certes dans un cadre historique général à peu près authentique, mais l’action décrite est totalement romancée : tous les personnages féminins, dont les filles de Nabucco, ainsi que l’intrigue elle-même, sont pure invention.

D’autre part on nous donne à voir un épisode certes marquant de la vie de Nabuchodonosor, mais avec une peinture de caractère dont on jurera d’autant moins de l’authenticité que nous ne disposons de quasiment aucune source sur la vraie personnalité du personnage historique. La tradition culturelle babylonienne limitait en effet strictement l’emploi de l’écriture, et de ce fait les scribes se refusaient à noter ce qui relevait de la vie personnelle, celle d’un souverain comme celle d’un particulier. Aussi ignorons-nous aujourd’hui tout de l’intimité de Nabuchodonosor, a fortiori tout de ce qui est décrit dans l’œuvre soit comme sa férocité soit comme sa grandeur d’âme. C’est donc bien l’opéra Nabucco qui redonne vie au personnage historique en lui prêtant des traits dont l’authenticité est plus que douteuse.

En fait, comme souvent chez Verdi, le contexte est un prétexte et le joug subi par les Hébreux dans l’opéra cadre parfaitement avec l’état d’esprit du jeune homme dont le patriotisme n’est pas encore exacerbé comme il le sera plus tard. Rappelons qu’en 1842 l’Italie est occupée par les Autrichiens… Aussi l’idée de décrire un tyran (ce que Nabuchodonosor fut certes, mais pas seulement) faisant subir sa loi à un peuple opprimé lui allait-elle bien ; ajoutez-y une histoire d’amour à dormir debout, et le tour est joué.

Quoi qu’il en soit, on est bien loin, en ressortant du spectacle, de savoir qui était le vrai Nabuchodonosor. Voyons cela de plus près.

Le nom  de Nabuchodonosor vient assez certainement de l’akkadien Nabou-kudurri-usur, signifiant : « Nabû , protège le dauphin ! », Nabû étant la divinité babylonienne de la sagesse. Nabuchodonosor a laissé une empreinte forte sur son temps c’est-à-dire entre les 7ème et 6ème siècles avant notre ère et il sera le roi de Babylone le plus connu de l’Histoire. Il a en effet régné sur le plus vaste empire qu’ait dominé Babylone, mais il a aussi initié des constructions pharaoniques,  développé ses terres et … détruit le temple de Salomon.


L’une des très rares représentations de Nabuchodonosor

Nabuchodonosor II nait en 634 avant J.-C. On le mentionne dans la Bible ; du reste ce qu’on y dit de lui n’est à son avantage ni dans le second livre des Rois, ni dans les livres de Jérémie et de Daniel où son image est terrifiante. Il faut mentionner aussi comme source du livret de l’opéra le livre de Zaccharie pour la célèbre prophétie du 3èmeacte que Verdi, passablement exigeant, imposa à son librettiste Solera en lui lançant cette apostrophe célèbre : « Vous ne sortirez d’ici que quand vous aurez écrit la scène. Tenez, voici la Bible, vous y trouverez le texte de la prophétie déjà tout rédigé ! ».

Nabuchodonosor est avant tout un guerrier et il est en plus le fils aîné du roi de Babylone Nabopolassar qui avait contribué à la prise de Ninive et qui, sur ses vieux jours et après avoir battu l’Empire assyrien, confie à son fils la direction des opérations militaires. Nabuchodonosor reprend donc la main et poursuit sur la lancée de son père. Après la victoire contre les Assyriens, Nabuchodonosor mène les armées babyloniennes en Syrie où l’armée égyptienne du Pharaon Néchao II a pénétré avec une évidente volonté hégémonique. Il écrase la coalition adverse à la célèbre bataille de Karkemish mais doit vite rentrer à Babylone car son père est mourant.

Le roi est mort, vive le roi et Nabuchodonosor II monte sur le trône le 23 Septembre 605 mais le voilà vite reparti sur les bords de la Méditerranée, où les Egyptiens sont toujours présents. Cette fois-ci cependant les choses ne se passent pas comme prévu et en 601, dans le choc entre Babyloniens d’un côté, Égyptiens et leurs alliés de l’autre, Nabuchodonosor essuie une défaite, et doit se retirer dans ses forteresses de Syrie.

Suite à ce revers, c’est à son tour d’être attaqué, en l’occurrence par le royaume de Juda ; cette fois Nabuchodonosor est vainqueur et la région de Juda subit sa répression : sa capitale Jérusalem est assiégée puis prise après maintes péripéties en 597 et finalement brûlée. Le fils du roi de Juda Joachim ainsi que trois mille otages, notables et lettrés du royaume sont déportés à Babylone. C’est précisément cet épisode historique qui sert de trame de fond à une pièce aujourd’hui oubliée : Nabuchodonosor, écrite par Anicet Bourgeois et Francis Cornu, créée à Paris au Théâtre de l’Ambigu en 1836 et que Temistocle Solera adaptera pour Verdi.

La fin du règne de Nabuchodonosor II est obscure. On sait qu’il meurt en octobre 562  dans sa 43ème année de règne, peut-être de maladie. Son fils Amel-Marduk n’occupe le trône que deux ans avant d’être renversé par le beau-fils de Nabuchodonosor, Nériglissar. On va très vite se rendre compte que le sommet du pouvoir babylonien après Nabuchodonosor II est caractérisé par une instabilité chronique.

Pour autant, l’empire hérité des conquêtes de Nabuchodonosor et de son père ne se disloque pas, ce qui semble témoigner de la solidité de leur construction politique. Sur la longue durée, on peut donc dire que le règne de Nabuchodonosor participe au renforcement et à la stabilisation des empires de plus en plus vastes qui dominent le Moyen-Orient à  partir du 1er millénaire avant J.-C.


Nabuchodonosor II

 

On sait aussi que Nabuchodonosor a été un grand bâtisseur et c’est finalement ce qu’on retiendra de lui aujourd’hui. La plupart des monuments de Babylone, mis au jour par les grandes fouilles allemandes du début du 20ème siècle datent de son époque. Il reprend les immenses travaux de restauration et d’embellissement de Babylone initiés par son père : le sanctuaire de Marduk, un grand nombre de temples de la ville, la reconstruction de l’enceinte avec ses fameux deux murs parallèles.

Babylone, ne l’oublions pas, fut, durant le premier millénaire avant notre ère, l’une des villes les plus importantes du monde. Située aujourd’hui en Irak, Babylone compta sous le règne de Nabuchodonosor environ 80.000 habitants et s’étendait de part et d’autre de l’Euphrate. Les dix premières années de son règne, le Roi, presque chaque année, termina avec succès d’importantes campagnes militaires, ce qui lui permit de récolter d’immenses tributs ensuite utilisés certes pour financer d’autres expéditions, mais surtout pour la construction d’imposants ouvrages de défense et d’embellissement de la ville.   
Il restaura ainsi la Grande Ziggourat grâce au travail du peuple juif captif. Ce temple est probablement la célèbre Tour de Babel. L’autre construction majeure fut celle que l’on appelle les Jardins Suspendus de Babylone, une des Sept Merveilles du monde ancien. Nabuchodonosor les aurait fait construire à l’intention de sa femme Amytis , mais on ne les a jamais retrouvés.

Toutefois, la réussite fulgurante de Nabuchodonosor ne lui survécut guère : les courts règnes de ses quatre successeurs, fils et gendres, séparent d’un quart de siècle à peine sa mort de la prise de Babylone par les Perses (539).

Mais ceci est une autre histoire.

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