Nouvelle formule pour nos grands prix. Exit l’Ortud de cristal qui jetait l’anathème sur la personnalité lyrique la plus irritante de l’année. Il y a trop de talents à mettre en avant pour consacrer de l’énergie à exposer ceux qui n’en ont pas. L’Arabella de platine, qui couronnait l’artiste le plus émérite, subsiste mais se limite à présent au genre féminin, le masculin étant récomposé par un nouveau trophée : le Mandryka de diamant. A ces deux palmes, s’ajoute le Zdenka d’argent qui, lui, distingue l’interprète en lequel nous plaçons nos espoirs pour les années à venir. En 2016, les lauréats sont :
Arabella de platine 2016
Sonya Yoncheva
Même si Sonia Yoncheva était depuis quelques années sur nos écrans radar, que ce soit avec les Arts florissants, puis dans Les Pêcheurs de perles à l’Opéra Comique et surtout une Lucia superbe qui signait son entrée à l’Opéra de Paris en 2013, nous espérions cette Violetta qui labellise définitivement une prima donna. Quand nous apprîmes que la mort de son père la contraignait à annuler les premières représentations d’une Traviata que nous attendions de manière carnassière, nous avons pensé que Yoncheva aurait quelques excuses à faire valoir. Fichtre ! Nul besoin d’indulgence pour mettre la soprano bulgare au paradis des poitrinaires. Une voix belle de jeunesse au timbre somptueux, une capacité de projection qui remplit le vaisseau de Bastille même dans des pianissimi étourdissants, un respect scrupuleux de la partition qui ne transige avec aucune subtilité des vocalises, un physique de rêve. J’arrête… Mais, pas de doute, Sonia Yoncheva méritait cette Arabella de platine ! [Roselyne Bachelot]
Mandryka de diamant
Michael Spyres
Depuis plusieurs années, dans un répertoire d’abord rossinien, Michael Spyres ne s’est pas contenté de marcher sur les brisées de Chris Merritt auquel on l’a longtemps comparé. Travailleur acharné, musicien accompli et curieux, il a voulu se frotter aux partitions composées à l’intention des plus grands ténors pré-verdiens : rien qu’en 2016, Andrea Nozzari, à Florence lors d’un concert vertigineux en forme d’hommage ainsi que dans La donna del lago à Pesaro et dans Ermione à Lyon et Paris ; Adolphe Nourrit, à Pesaro encore ; Guglielmo d’Ettore dans Mitridate à Paris, Dijon et Bruxelles. Ce que Michael Spyres chante aujourd’hui, aucun autre chanteur ne peut le chanter aussi bien. Aucun, en tout cas, ne peut à la fois monter aussi haut et descendre aussi bas ; aucun ne dispose d’autant d’imagination et d’agilité pour varier les effets et les ornementations conformément au style belcantiste ; aucun ne possède une technique suffisamment assurée pour ne pas sacrifier l’expression sur l’autel de la difficulté vocale. Que ce ténor sans limite veuille à présent repousser les siennes en s’attaquant au grand répertoire est une autre histoire. Avec, dans les mois à venir, Don José (Carmen), Enée (Les Troyens), Hofmann déjà interprété à Barcelone et repris cet été à Munich, il lui faudra soutenir la comparaison là où jusqu’à présent il était sans rival. Pour l’heure, ce premier Mandryka de Diamant couronne l’exceptionnel autant que l’exception. [Christophe Rizoud]
Zdenka d’argent
Gaëlle Arquez
L’année 2016 aura été faste pour Gaëlle Arquez : en janvier, reprise du rôle d’Idamante au Theater an der Wien dans la production de Damiano Michieletto créée en 2013 ; en juin, débuts au Komische Oper de Berlin dans Castor et Pollux ; en octobre débuts au Staatsoper de Vienne en Armide de Gluck… L’ex-soprano vite devenue mezzo est désormais une des chanteuses françaises avec lesquelles il faut compter et pour qui l’heure des grands rôles a sonné. Pour le moment, elle les aborde surtout outre-Rhin : à Francfort elle réserve son premier Serse en ce mois de janvier, sa première Mélisande au printemps, et c’est encore à Francfort qu’elle a chanté sa première Carmen, rôle qu’elle retrouvera au festival de Bregenz l’été prochain. A Paris, elle sera (seulement) Isolier à l’Opéra-Comique, mais on espère la retrouver très vite dans des personnages de premier plan. Et en attendant de l’entendre dans un récital au disque, 2016 aura du moins permis de l’admirer sur le DVD de Dardanus. [Laurent Bury]