Les « country-house operas » (littéralement « opéras de maison de campagne ») sont une singularité de la vie lyrique britannique. Chaque été, une dizaine de festivals accueillent ainsi les spectateurs dans les jardins des campagnes anglaises, avec des ambitions musicales variées mais toujours la même volonté de faire de la soirée un événement festif. Alors que le financement public des arts s’effondre, ces institutions prospèrent au contraire, essentiellement sur fonds privés et attirent un public croissant, parfois davantage attiré par le caractère « exclusif » du festival que par l’art lyrique proprement dit. Surnommés les 3 « G », Glyndebourne (fondé en 1934), Garsington (1989) et Grange Park (1998) sont les plus prestigieux d’entre eux.
Lieux : Le festival se tient à Wormsley Park, domaine privé de la famille Getty partiellement accessible au public. La propriété est située au nord-ouest de Londres, 35 kilomètres avant Oxford. Wormsley accueille également des matches de cricket (c’est le rocker Mike Jagger qui fit découvrir ce sport à Sir Paul Getty ; celui-ci enthousiaste fit aussitôt construire un terrain privé sur sa propriété).
Dates : de mi-juin à mi-juillet environ
Site Web : www.garsingtonopera.org
Année de création : 1989
Principe fondateur : Garsington s’est longtemps consacré à la découverte d’œuvres rares. S’il n’offre pas de distributions aussi prestigieuses que celles de Glyndebourne, ni même que celles de Grange Park qui affiche généralement une star dans la saison, le festival se caractérise par des réalisations extrêmement bien travaillées et très théâtrales : les chanteurs offrent toujours un travail en commun impeccable et l’orchestre est excellent. Les productions sont souvent pleine d’humour. Un entracte d’une heure et quart permet de célébrer comme il se doit la soirée : effet magique du champagne, le niveau sonore du public est particulièrement élevé en seconde partie, surtout lorsqu’il s’agit d’une comédie.
Dirigeants : Depuis novembre 2012, Douglas Boyd est le Directeur Artistique et Nicola Creed le directeur exécutif.
Répertoire : Jusqu’à la nomination de Douglas Boyd, le répertoire se composait essentiellement d’oeuvres rares. Trois compositeurs se taillaient la part de lion : Rossini (parmi une douzaine de titres, les créations britanniques de La Gazzetta, de L’Equivoco stravagante, et de Maometto Secondo) ; Mozart (une douzaine de titres dont les plus célèbres mais aussi Der Schauspieldirektor ou La finta giardiniera) ; Strauss (citons les créations britanniques de Die Liebe der Danae ou de Die ägyptische Helena dans une production qui sera reprise … au Metropolitan de New-York !) ; Haydn (Le Pescatrici pour ne citer qu’une des 7 œuvres représentées). Garsington a aussi offert un cycle Vivaldi : L’incoronazione di Dario, La verità in cimento et L’Olimpiade (ouvrage donné … pour les JO de 2012). Le festival donne aussi des titres plus populaires : Don Pasquale de Donizetti, Il Barbiere di Siviglia de Rossini, La Périchole d’Offenbach, la trilogie da Ponte de Mozart, etc. Les représentations sont généralement en langue originale, mais parfois en traduction anglaise (Vert-Vert d’Offenbach ou Intermezzo de Richard Strauss par exemple). Plus récemment, le festival s’est ouvert à des ouvrages plus communs et plus « sérieux » tels que Fidelio (mis en scène par Douglas Boyd justement), Death in Venice, La petite renarde rusée (alors que par le passé Garsington avait affiché deux raretés du même Janacek : Sarka et Osud), ou encore Eugène Onéguine (Tchaikovsky avait été précédemment représenté par le rare Cherevichki). Le caractère festif de certains de ces titres échappe quelque peu à l’auteur de ces lignes et on trouvera sans doute des propositions plus intéressantes en d’autres festivals.
Histoire : En 1982, le financier Leonard Ingrams fait l’acquisition de Garsington Manor et décide d’y faire donner des représentations d’opéras. En 1989, l’English Touring Opera (une compagnie itinérante) y donne les premières représentations dans la grange de la propriété (Le Nozze di Figaro). La première vraie saison commence l’année suivante avec Cosi fan tutte et la création britannique de l’Orlando paladino de Haydn. Bientôt la programmation passe à 3 opéras donnés sur 4 semaines. Devant le succès, Ingrams fait construire un auditorium de 470 places simple amphithéâtre à l’acoustique excellente, avec la maison de maître en fond de scène et un superbe jardin anglais côté cour souvent intégré à la mise en scène. La grange est reconvertie en restaurant. Lorsque Leonard Ingrams décède prématurément en 2005 à 63 ans, sa veuve accepte de maintenir le festival quelques années de plus afin de donner aux organisateurs du temps pour retrouver un nouvel emplacement. Ironie de l’histoire, Leonard Ingrams est mort d’une crise cardiaque au volant de sa voiture alors qu’il rentrait d’une représentation de l’Otello de Verdi … à Glyndebourne. En 2011, gardant son nom de Garsington Opera, le festival inaugure un nouvel auditorium à Wormsley Park.
Conditions techniques : Œuvre de l’architecte Robin Snell, l’élégant nouvel auditorium inauguré en 2011 a été plusieurs fois récompensé. Suspendu sur des pilotis métalliques au-dessus de la pelouse, il est démontable (et garanti 15 ans !) : à la fin du festival, la structure est déshabillée de ses sièges et les panneaux latéraux sont enlevés. Une partie de ces parois est transparente (comme dans l’ancienne salle), offrant aussi une vue sur les jardins. Il n’a coûté que 3 millions de livres, entièrement apportés par des donateurs.
Meilleures places : La salle est un simple amphithéâtre pentu de 600 places avec quatre loges en partie supérieure. En termes de visibilité ou d’acoustique, il n’y a pas de mauvaises places. Plus on est loin, moins l’orchestre est présent, moins les places sont chères, plus les surtitres sont visibles.
Acoustique : un peu sèche mais favorable aux voix, la fosse d’orchestre étant très profonde.
Tarifs : De 100 £ (fond d’orchestre en semaine) à 180 £ (premiers rangs d’orchestre ou loge, les vendredi, samedi et dimanche). La location ouvre prioritairement aux Friends of Garsington Opera (cotisation annuelle minimale 2015 : 70 £). Pour devenir membre, il faut soit être parrainé par un autre membre, soit s’inscrire comme Affiliate member (20 £ minimum par an) ce qui vous positionnera dans la liste d’attente pour devenir effectivement membre un jour (compter une bonne dizaine d’années d’attente). Ce statut vous permet tout de même de commander vos places un mois avant l’ouverture générale des locations aux non-membres. Sinon, vous pouvez attendre ladite ouverture, mais vous disposerez alors d’un choix de dates très limité.
Anecdote : En 1996 (le festival se déroulait alors à Garsington Manor), un groupe de voisins obtint un dédommagement en raison des nuisances apportées par les représentations. Déboutés en appel, ils se vengèrent en 1997 en perturbant une représentation avec un concert de tondeuses, tronçonneuses, tracteurs, alarmes de voitures … En guise de bouquet final, un avion privé survola même le site en rase-mottes !
Le bémol : La salle étant ouverte partiellement sur les côtés, la fraicheur peut être pénible certains soirs. Des couvertures sont mises à disposition des spectateurs, mais il faudrait plutôt des bonnets ! En cas de pluie (assez fréquentes en début d’été), on pataugera élégamment dans la boue : prévoir un smoking ou une robe de soirée de rechange si vous continuer votre périple vers les deux autres « G » (Glyndebourne et Grange Park).
Le dièse : Vous entrez dans un autre monde quand vous pénétrez dans l’immense propriété de la famille Getty qui habite d’ailleurs toujours les lieux. Depuis le portail, vous suivez sur plusieurs kilomètres une route serpentant au milieu des bois jusqu’à ce que vous débouchiez sur le terrain de cricket. Vous découvrez ensuite l’élégant auditorium, le lac, un troupeau de biches … Aussi loin que vos yeux puissent porter, vous êtes dans le domaine de Wormsley. Un vieux bus des années 50 peut vous amener jusqu’à un splendide jardin situé un peu plus loin où vous pourrez aussi déguster un verre de champagne. Le public est élégant sans ostentation, tel que l’on s’imagine la vieille Angleterre (celle de l’époque où les lords faisaient user leurs nouveaux costumes par un domestique pour qu’ils n’apparaissent pas trop neufs). On y trouve beaucoup moins de clients invités par des entreprises qu’à Glyndebourne par exemple.
Accessibilité : Les personnes à mobilité réduite peuvent se garer au plus près de l’auditorium. Un ascenseur permet d’accéder au niveau bas de la salle, les places de côté étant prioritairement réservées aux chaises roulantes (et à ceux qui les occupent).
Toilettes : Elles sont situées entre l’auditorium et les espaces de restauration et prévues en nombre suffisant pour limiter le temps d’attente. Propreté impeccable.
Vestiaires : Pas prévus mais vous pouvez laisser sans craintes vos vêtements dans la Bentley ou dans la Ford Fiesta (signe de la diversité du public, on trouve l’une ou l’autre sur le parking).
Accès : Wormsley est situé à 40 minutes de voiture de l’aéroport d’Heathrow : trajet qui peut facilement prendre 100 minutes si on tombe sur des travaux routiers, ce qui n’est pas rare. Prendre la M25 (le super périphérique) en direction du nord, puis la M40, toujours en direction du nord (vers Oxford, Birmingham). Prendre la sortie n°5 (Stokenchurch) : la bretelle aboutit sur un rond-point à partir duquel des panneaux jaunes « Garsington Opera » vous guident jusqu’à Wormsley (passer au-dessus de l’autoroute M40, ensuite c’est tout droit). Un train relie Londres (gare de Marylebone) et High Wycombe en une petite demi-heure. Un mini bus assure le transfert avant et après spectacle entre la gare et Wormsley. Le trajet est à réserver avec vos places ou ultérieurement, mais au moins 48h à l’avance (10 £ en 2015). Toutes les représentations finissent à 22h15 mais la correspondance exacte avec les horaires de trains n’est pas garantie, ceux-ci évoluant au fil des années (en clair : vous pouvez arriver juste à temps pour sauter dans le wagon, ou devoir attendre une heure le train suivant).
Points d’intérêt touristique proches : si vous ne la connaissez pas encore, la ville d’Oxford est une destination incontournable.
Où se restaurer ? Wormsley est tellement isolé qu’il est difficile et même inutile de ressortir du domaine pendant l’entracte (à Garsington Manor, il était possible de dîner au pub voisin avec les techniciens ; à Wormsley, il est même difficile de re-rentrer). De toute façon, tout l’intérêt, c’est de dîner sur place. On peut bien-sûr apporter son propre repas (des gamins du village voisin transporteront vos victuailles vers l’emplacement de votre dîner). Compte tenu des caprices météorologiques britanniques (la légende dit que s’il pleut quelque part en Angleterre, alors il pleut aussi à Wormsley), il est conseillé de réserver un emplacement : soit sur la terrasse du théâtre (le moins cher, belle vue sur la campagne, tables communes, peu de places disponibles), soit en louant chaises et tentes (commune ou individuelle). On peut aussi être moins aventureux et préférer l’excellent restaurant qui propose un menu conçu par Jamie Oliver (cuisinier star comparable à notre Cyril Lignac) servi dans une grande salle. Jamie Oliver propose aussi une délicieuse formule pique-nique dans une petite tente commune (une dizaine de convives, tables individuelles et chaises fournies) : vous vous servez vous-même dans le panier et la table est déjà couverte de boissons que vous n’avez pas à commander (eaux plate et gazeuse, citronnade …). Le vin en revanche est à réserver au moment de la commande. Le bar situé à côté de l’auditorium est ouvert avant le spectacle et durant l’entracte.
Où dormir ? Si vous souhaitez absolument dormir à proximité, vous pouvez opter pour le King’s Hotel à Stockenchurch. Chambre petites, confort correct, propreté impeccable et prix raisonnables pour la Grande-Bretagne. De toute façon, il n’y a rien d’autre.