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Comme le rappelle Peter Conrad dans son livre Verdi and/or Wagner, qu’aucun éditeur français ne semble avoir cru bon de faire traduire pour 2013, interpréter Wagner comporte quelques dangers. Le ténor Ludwig Schnorr von Carolsfeld, créateur du rôle de Tristan, fut pris de fièvre après la première représentation en 1865, fut pris de délire et cria sur son lit de mort le nom du compositeur. « Je vous ai mené à l’abîme ! Je l’ai poussé par-dessus bord », écrivit Wagner dans son journal intime. Le 21 juin 1911, Felix Mottl fit une crise cardiaque alors qu’il dirigeait son centième Tristan à Munich et mourut onze jours après ; le 20 juillet 1968, Joseph Keilberth connut le même sort, au même endroit, pendant la même oeuvre. En comparaison, le trépas de Giuseppe Sinopoli la baguette à la main pendant le troisième acte d’Aida à Berlin le 20 avril 2001 paraît un maigre bilan. Mais c’est oublier Leonard Warren, qui mourut pendant une représentation de La Force du destin au Met, le 4 mars 1960. « Morir, tremenda cosa », venait-il de chanter. Comparé à nos deux fringants bicentenaires, Janáček fait presque figure d’amateur : Richard Versalle est mort le 5 janvier 1996 au tout début d’une représentation (new-yorkaise également) de L’Affaire Makropoulos. Allez, Leoš, encore un effort. [Laurent Bury]