Coproduite avec le Royal Opera, la mise en scène de La Donna del Lago par Llius Pasqual fut accueillie plutôt fraichement par la critique et le public de l’Opéra de Paris à sa création en 2010 (voir recension). A tel point que la scène londonienne décida finalement de créer son propre spectacle, confié au metteur en scène britannique John Fulljames. Malheureusement, celui-ci n’a guère été plus heureux que son collègue espagnol, l’équipe étant elle-aussi accueillie par les huées d’un public pourtant réputé moins vindicatif que celui de Paris. La mise en scène ne brille pas déjà pas par son originalité, qui situe l’action dans le cadre d’un musée où Elena, Douglas, Malcom et Uberto sont sortis de leurs vitrines et sont ramenés à la vie devant des choristes en costumes du XIXe siècle. C’est triste à dire, mais on a vu ça 100 fois et c’en est à se demander si les metteurs en scène actuels s’intéressent au travail de leurs collègues (conseillons-leur la fréquentation de You Tube) . Ce parti est d’ailleurs abandonné au bout d’une dizaine de minutes et n’est repris qu’à l’extrême fin de l’ouvrage, les personnages retrouvant leurs places dans les vitrines. Entre les deux, Fulljames propose une vision particulièrement prosaïque de l’Ecosse moyenâgeuse, plus proche de Braveheart que de Walter Scott : on se bornera à citer la fin de l’acte I durant laquelle les bardes éviscèrent un bœuf (ou quelque chose comme ça), plongent les entrailles dans un chaudron puis se barbouillent de sang, tout ça au doux son des harpes. Entre temps, les collègues de Rodrigo auront violé quelques prisonnières et Uberto, roi d’Ecosse, aura collé une beigne à Elena. Certains costumes valent également le détour : celui de Daniela Barcellona fait penser à Depardieu en Obélix dans Au service de sa Majesté et la tenue « royale » de Florez évoque plutôt Laurel et Hardy dans Bonnie Scotland mais en moins sérieux.
Heureusement, le beau chant est au rendez-vous. En Uberto, Juan Diego Florez est apparu dans une forme exceptionnelle, balayant toutes réserves : voix ayant gagné en largeur, aigus percutants sans ces duretés parfois constatées récemment, générosité intacte avec des variations impeccables et quelques suraigus supplémentaires. Comme à Paris, Colin Lee devait assurer le rôle de Rodrigo mais, malade à la première, le ténor néozélandais a dû laissé la place à son confrère Michael Spyres qui s’est révélé une excellente surprise. Certes, le suraigu n’a pas l’impact de celui de son collègue, mais toutes les notes sont là et plus encore. Surtout, le ténor américain déploieun registre grave remarquable de puissance et qui rend bien davantage justice à ce rôle de baritenore : on songe d’ailleurs souvent à un « bébé Chris Merritt ». Daniela Barcelona manque en revanche un peu d’éclat : les vocalises ne sont pas très nettes, l’aigu limité, les variations prudentes, le timbre parfois métallique. A la tête d’un orchestre pas très concerné, Michele Marriotti dirige sous Lexomil : certes les chanteurs ne sont jamais couverts, mais quel manque de mordant ! Quant à la banda qui assure la musique sur scène, celle-ci joue tellement faux qu’on se demande si c’est fait exprès. Il en faut néanmoins plus pour gâcher notre plaisir surtout quand, avec son rondo final, Joyce DiDonato « casse la baraque » et s’affirme comme la meilleure chanteuse rossinienne du moment ! [Jean-Michel Pennetier]