Un autre Tell

La musicologie a toujours du bon : Reto Müller, vice-président de la Société Rossini Allemande, a conçu pour l’édition 2013 de Rossini in Wildbad un concert de raretés des plus savoureuses ! D’abord une symphonie pour grand orchestre (Virtuosi Brunensis) dédiée par Mercadante à Rossini en 1864 ; ensuite les Pas de deux et Pas de trois suivis du Chœur tyrolien de Guillaume Tell. Aussitôt après, une perle rare, le nouveau final que Rossini consentit à écrire à la demande de l’Opéra de Paris pour une version de cet opéra raccourcie à trois actes. On peut supposer que la besogne ne lui plaisait guère car cette débauche tonitruante et martiale est si éloignée de la beauté de la version initiale qu’elle semble tourner en ridicule le mauvais goût à la française. Enfin, dans le même esprit, l’Hymne à Napoléon III et à son vaillant peuple pourrait bien être une vaste blague sous ses dehors solennels et ampoulés. On y entend un Grand Prêtre (le baryton Marco Filippo Romano, remarquable d’aisance dans l’aigu) et deux assistants ténors quasiment muets (Artavazd Sargsyan et Giulio Pelligra) célébrer la grandeur du souverain et les vertus militaires des Français (Bach Camerata Chor). Daté de 1867 il serait donc contemporain de la fin piteuse de l’expédition mexicaine et précéde donc de trois ans la déconfiture de 1870 : on appréciera l’ironie de l’histoire. Celle de Rossini, en tout cas, ne fait pas de doute : l’œuvre, qui prévoit cloches et canons, se conclut sur une énorme pétarade qui semble dire : cela va foirer ! Le salut conjoint des trois chefs qui se sont partagés ce concert (Pérez-Sierra pour Mercadante, Fogliani pour Tell 1 et 2, Longo pour l’Hymne) et mêlent leurs baguettes à la façon des conjurés couronne la bonne humeur née de ces découvertes ! [Maurice Salles]