Nicola Ghiuselev est mort hier, 16 mai, à l’âge de 77 ans. « Il n’existe aucun chanteur – et il n’en existera jamais – capable d’interpréter d’une manière aussi profonde et bouleversante le plus russe des rôles » disait à son propos la critique. De fait, vocalement comme d’ailleurs physiquement, Nicola Ghiuselev représentait la basse slave dans toute sa splendeur : noire, caverneuse, imposante avec cette tendance caractéristique d’une certaine école à appuyer les sons, de la même façon que les acteurs du cinéma muet roulent des yeux.
Né en Bulgarie, il a chanté en plus de quarante ans de carrière sur les plus grandes scènes internationales – Milan, New York, Paris, Londres – tout en restant fidèle à son pays d’origine et l’opéra de Sofia où, à 25 ans, il avait débuté en Timur dans Turandot. Devaient suivre ensuite les plus grands rôles russes, italiens et français réservés à sa tessiture, une cinquantaine au total, de Philippe II à Boris en passant par les Méphistophélès de Berlioz et Gounod. Ses nombreux succès lui valurent aussi de pousser la porte des studios. Sa discographie comprend notamment par deux fois Les Huguenots, dirigés par Bonynge pour Decca aux côtés de Joan Sutherland puis par Diederich au Festival de Montpellier.
D’abord attiré par la peinture, il décida d’étudier le chant après avoir entendu à la radio Edmond Kossowski interpréter le monologue de Boris. Une vingtaine d’année plus tard, en 1973 à Téhéran, par une de ces coïncidences dont l’histoire lyrique est friande, il interprétait à son tour Boris aux côtés du Pimène de celui qui avait involontairement décidé de son destin.
Son expressivité, que l’on peut trouver exagérée, lui aurait été dictée par son goût et son talent pour la peinture (ses deux fils d’ailleurs sont artistes peintres). Une fois retiré des scènes, c’est cet art particulier, munificent et bariolé, qu’il avait décidé de transmettre en enseignant le chant. [Christophe Rizoud]