Le potentiel narratif de l’œuvre picturale d’Edvard Munch s’explique partiellement par la méthode de travail de ce dernier, qui avait l’habitude de rédiger quelques mots avant de s’attaquer à la toile. En 1993, le prolifique compositeur et écrivain norvégien Ketil Bjørnstad (°1952) mit en musique quelques uns de ces textes dans l’album Løsrivelse. Lorsqu’en 2011, il reçoit une commande à l’occasion de la célébration du 70e anniversaire de la Nordstrand Music Society Choir, il choisit de réitérer l’expérience et rassemble quelques écrits du peintre dans une cantate profane, Soloppgang (Sunrise), finalement arrangée pour voix, violoncelle, saxophone alto, basse, percussions, piano et chœur. Si la forme (une cantate traversée de récitatifs et d’intermezzi) emprunte son nom à la musique classique, le langage est celui de la musique pop, et se caractérise par sa douceur, sa tendresse – parfois sentimentaliste et fade – et surtout sa lumineuse quiétude, qui cède par moments à la mélancolie (« Åpent vindu », « Intermezzo II », « Alfa og Omega »), à mille lieux de l’univers tourmenté et anxiogène de Munch. Certains morceaux sont plus jazzy (« Jorden elskede luften », « Livets dans », « De fineste nerver er rammet » ; les deux premiers récitatifs sont d’inspiration free jazz), avec quelques accents de salsa (« Stupet »). La chanteuse soliste Kari Bremnes se distingue par ses qualités de conteuse, toute en retenue et délicatesse. Sortie le 19 mai 2014. [Carine Seron]
>> Ketil Bjørnstad, Sunrise – A cantata on texts by Edvard Munch, ECM 2336