Octave, Marie-Thérèse, Sophie… Ces prénoms sont ceux des personnages du dernier roman de Frédéric Vitoux, Les Désengagés. Ils vous rappellent quelque chose ? C’est normal, car c’est voulu. Ce n’est, du reste, pas la première fois que Le Chevalier à la rose inspire les écrivains : la partition du trio final est reproduite aux dernières pages du roman Art et mensonges de Jeanette Winterson, et dans l’une des nouvelles du recueil Mozart et Amadeus, Anthony Burgess nous racontait tout le déroulement de l’opéra. Alors que l’on connaissait déjà son goût pour Rossini, Frédéric Vitoux s’empare à son tour de Richard Strauss et se livre en virtuose à un exercice dont les metteurs en scène sont familiers : transposer un opéra dans une époque et un contexte bien différents de ce que prévoit le livret. Ici, l’intrigue est transplantée avec humour et brio dans le Paris des années 1967-68, et dans le milieu que les écrivains connaissent en général le mieux, celui de l’édition. On se rencontre chez un disquaire où l’on est venu acheter une certaine intégrale où chantent mesdames Schwarzkopf et Ludwig, un rustre envisage d’épouser une demoiselle pour renflouer ses finances, les couples se font et se défont, le tout discrètement truffé de citations du livret de Hofmannsthal. Un régal pour les Straussiens avertis et pour tous les mélomanes.
Les Désengagés, 286 pages, Fayard, janvier 2015, 20 euros, ISBN 978-2-213-68242-6