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Palais Garnier : et maintenant, la direction prend Charles Garnier en otage !

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Brève
12 novembre 2015
Palais Garnier : et maintenant, la direction prend Charles Garnier en otage !

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La direction de l’Opéra de Paris ne sait décidément plus comment se dépatouiller de l’affaire du Palais Garnier et de l’émotion légitime que soulève leur projet attentatoire à la beauté des lieux. Tout désormais est bon pour justifier cette erreur historique dont elle portera la sinistre responsabilité.

Ainsi, après avoir utilisé l’argument économique, puis l’argument de l’acoustique, puis l’argument de la visibilité, après avoir dit que ça ne changerait rien, après avoir assuré que tout cela était fait avec l’autorisation de la DRAC (qui n’est toujours pas donnée), un nouvel argument est apparu en réponse à France Musique et sur les réseaux sociaux : supprimer les cloisons, c’était ce que Charles Garnier voulait ! Bon sang mais c’est bien sûr! 

Leur « preuve » ? Un passage du livre de Garnier sur son théâtre, Le Nouvel Opéra (voir ci-dessous).

Hélas, trois fois hélas, ce passage du livre de Garnier (que la direction de l’Opéra semble découvrir !), nous le connaissions depuis le début. C’est même cela qui a pour partie motivé l’action que nous avons entreprise !

Ce livre merveilleux démontre à la fois le génie artistique et le très grand pragmatisme de Garnier : ce passage ne fait pas exception.

Contactés par nous, les architectes des monuments historiques qui furent en charge du Palais Garnier par le passé tombent des nues devant le nouvel argument de la direction de l’Opéra de Paris : « Evidemment que certaines cloisons sont amovibles ! Par exemple pour faire la grande loge de face lors des soirées de gala », assure Jean-Loup Roubert, en charge du Palais Garnier de 1979 à 1998 : « ça on le sait depuis toujours ! mais je peux vous assurer que toutes les cloisons ne sont pas amovibles, au contraire, la plupart sont solidement fixées ! ».

En réalité, à aucun moment Garnier n’a voulu que ces cloisons soient ôtées de manière généralisée et systématique pour toutes les représentations : le texte de Garnier est très clair à ce sujet… En outre, la direction semble oublier que Garnier est resté en charge de son théâtre pendant de nombreuses années après son ouverture : s’il avait voulu cet escamotage, il aurait eu tout loisir de le mener lui-même à bien !

Alain-Charles Perrot, architecte en charge du Palais Garnier (1995-206), ajoute : « Si on retire toutes les cloisons tout le temps, on crée des vides qui perturbent l’ensemble de l’apparence, notamment parce que l’éclairage plafonnier n’est pas caché par les retombées des cloisons ». Les photos attestent en effet que les plafonniers, qui ne sont plus tamisés par les cloisons, créent un éclairage blafard (voir brève du 10 novembre dernier). J-L Roubert, qui a rénové ces éclairages en 1995, le constate avec amertume.

Et Perrot d’ajouter : « Que Garnier ait été pragmatique, c’est certain, mais justement : jamais il n’a fait de l’escamotage des cloisons un principe !  Du reste, il suffit de voir les piliers de fonte qui restent visibles et seuls au milieu de la loge : Garnier détestait le métal (« le fer est un moyen, ce ne sera jamais un principe », disait-il), il avait pris parti contre la Tour Eiffel, mais comme son théâtre est entièrement en métal, il a tout fait pour le camoufler : ces piliers isolés au milieu de la loge sont totalement contraires à ce qu’il a toujours cherché à faire. »

Voilà qui fait litière des affirmations aussi imprudentes et impudentes de la direction de l’Opéra. Nous ne saurions trop leur conseiller de se pénétrer de la lettre du livre de Garnier pour n’en point violer l’esprit. Car, à entendre ces dignes responsables à la science toute neuve, ils sauraient mieux que Garnier ce que Garnier voulait !

>> Signer la pétition

  1. Garnier, Le Nouvel Opéra (1875), P. 156 :

« Je m’étais dit tout cela en étudiant cette question et j’avais ménagé à l’orchestre, et surtout au parterre, des passages suffisamment larges pour que la circulation y fût très-facile. A l’orchestre ces passages étaient naturellement à droite et à gauche aux extrémités des rangées de fauteuils ; il en était presque de même à l’amphithéâtre ; mais au parterre ils étaient disposés de façon à diviser en deux chacune des rangées de stalles des numéros pairs ou des numéros impairs ; ce qui avait le grand avantage de diminuer naturellement de moitié le chemin qu’il faut parcourir du centre à l’extrémité pour trouver les passages qui y sont ordinairement installés. J’avais même projeté une circulation plus facile encore, car j’avais ménagé, outre l’entrée centrale, deux entrées latérales, aboutissant aussi à deux petits passages de communication, mais ces deux entrées latérales supprimaient deux baignoires. Or, comme ces deux entrées supplémentaires, bien qu’utiles, n’étaient pas absolument indispensables, et qu’en résumé l’entrée du milieu pouvait suffire, je me suis rendu aux instances de M. Halanzier [le directeur] et je me suis décidé, peu de temps avant l’ouverture du théâtre, à rétablir les deux baignoires, et à remplir les passages latéraux par des sièges fixes. J’ai cru devoir faire cette opération, qui permettait de recevoir chaque soir une vingtaine de spectateurs de plus, ce qui n’est pas à dédaigner, parce que les baignoires se louent, suivant le cas, simples ou doubles au moyen de cloisons mobiles que l’on met ou retire à volonté, et la suppression delà baignoire empêchait de faire cette opération à droite ou à gauche, soit quatre baignoires qui n’auraient pu être utilisées dans les conditions accoutumées d’agrandissement ou de diminution. D’ailleurs, si à l’avenir, ce qui est peu probable, le public venait à réclamer ces entrées supplémentaires, comme tout est conservé comme construction pour les rétablir, rien ne serait plus facile que cette opération; mais je ne pense pas que cette réclamation se produise, car on s’est déjà habitué à ce qui est. Les abonnés ont des baux passés pour leurs baignoires et le directeur a fait sa balance en se fondant sur les recettes produites par ces places actuellement louées au public. De mon côté, au point de vue architectural, je pense que l’effet est meilleur, avec les baignoires se  continuant sans interruption, que si elles étaient divisées en deux par les nouvelles ou plutôt les anciennes entrées du parterre. Je crois donc qu’il n’y a rien à changer de ce côté. » (https://archive.org/details/lenouveloprade01garn)

 

 

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Charles Garnier, portrait par Antoine Samuel Adam-Salomon.

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